[CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

ImageDe la promenade du dimanche au rallye raid, en passant par ton tour du monde à  toi que tu as fait, c'est ici: Organise, rameute, raconte!
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dgero
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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par dgero »

Merci Qohen pour ce magistral C.R. :respect
Tu nous embarques avec toi sur la route :love
Cdt Dgero :signe :fume
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Qohen
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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par Qohen »

dgero a écrit :
16 oct. 2022, 20:56
Merci Qohen pour ce magistral C.R. :respect
Tu nous embarques avec toi sur la route :love
Avec plaisir ! À défaut d'avoir l'essence pour rouler... :mrgreen:

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Flan
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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par Flan »

De magnifiques CR!
Je n'arrive pas à suivre le rythme.
Tu y passes des soirées ou bien ?
Transalpage est il le seul site à en avoir la primeur ?

Je comprends ta quête d'authenticité et de quiétude dans tous ces lieux traversés.
Excuse me but I have to explode....
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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par Qohen »

Flan a écrit :
17 oct. 2022, 18:03
De magnifiques CR!
Je n'arrive pas à suivre le rythme.
Tu y passes des soirées ou bien ?
Transalpage est il le seul site à en avoir la primeur ?

Je comprends ta quête d'authenticité et de quiétude dans tous ces lieux traversés.
J'y passe 2-3 heures par jour, oui, surtout pour récupérer des captures depuis les rushs de GoPro :mrgreen: Ça me fait plaisir de me dégourdir la plume (aucune allusion), donc je prends le temps d'en tartiner.

Je reposte sur Kawette.net car j'y suis inscrit depuis mon A2, mais ce forum va fermer dans quelques semaines.

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Jour 10 | Montagnes - Kosovo - Macédoine - Thessalonique

Message par Qohen »

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Après la densité des deux jours précédents, celui-ci sera un jour de transition. Il n'en sera pas moins long, avec un peu plus de 600 kilomètres à abattre et trois frontières à traverser.



1. Les montagnes du Monténégro

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Et zé rebartiiii

De bonne heure je charge pépette. Comme à chaque fois que le petit-déjeuner est compris dans le prix, je triple les rations. S'il fait bon dans la plaine, les montagnes qui m'attendent entre Podgorica et le Kosovo sont glaciales : il me faut des vitamines et du sucre à brûler. Je reprends, du coup, l'autoroute empruntée hier soir. C'est le seul grand axe avant le milieu du Kosovo. Au bout du tronçon de 30 kilomètres, le long duquel j'ai eu le loisir de compter les degrés s'évaporer un à un et de voir les reliefs grossir, je me trouve immédiatement sur de bonnes routes d'arrière-pays, usées, un peu étroites, souvent poudrées de graviers ou tachées de flaques de pluie. Quelques hameaux et ferment décorent la route, que je scrute attentivement tellement les raccords et nids-de-poule sont nombreux. Ainsi que les poids lourds. Par endroits, la "route" devient une véritable piste off-road en bitume. Je me prends au jeu et finis par mener la roue avant dans le bas-côté plein de feuilles et de terre, l'espace d'une seconde, avant que les réflexes ne s'enclenchent et bousculent la meule de nouveau sur le bitume.

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Tu me vois arriver, là ?

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Le premier col (Trešnjevik) ne tarde pas. La vue commence à s'ouvrir et le soleil resplendissant réchauffe le cœur, à défaut du corps. Transi, je descends les épingles à petite vitesse quand j'aperçois un panneau inscrit "Radmilica - Take a break and enjoy the view :) - Hot drinks". Ma foi, congelé comme je suis, je ne dis pas non. Un peu plus bas sur la route, je tombe sur ledit établissement, une petite vision de paradis au milieu de cet enfer froid !

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Ce café, totalement ouvert, est entièrement fait de bois. Il se compose d'une terrasse, d'un minuscule comptoir/débit et d'une petite cuisine couverte (et de toilettes). La terrasse, posée immédiatement au bord de la route, surplombe la vallée en direction de l'est, donc, ce matin, elle est en plein soleil. Tables, chaises, tabourets et chaises longues sont disposés avec variété ; certains sont couverts de peaux, et partout des plaids sont à disposition pour un maximum de confort. La décoration est simple et inventive. À peine ai-je mis le pied à terre qu'un labrador me fait une fête incroyable. Un autre chien se réchauffe au soleil, sur la terrasse, et un chat, typiquement, me calcule avec prudence.

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Comment ne pas s'arrêter quand on est accueilli comme ça !

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Vous jugerez d'après les photos le sentiment de réconfort et de douillet qui me saisit à cet instant, d'autant plus fort que ce début de journée fut éprouvant. À cette heure et par cette température, je suis le seul sur place, ce qui laisse au propriétaire le loisir de me parler de cet endroit. Il a ouvert à peine un mois plus tôt, avec dans l'idée de proposer quelque chose de différent. Sa mère est artiste, ce qui explique le soin apporté à l'ambiance générale et aux détails de la décoration. Je ne peux que confirmer et saluer son intention de proposer un lieu confortable et inattendu pour valoriser cette région montagnarde qu'il habite et affectionne. Il m'explique la suite du projet, un agrandissement, une véranda modulaire pour pouvoir rester ouvert (façon de parler) même l’hiver, etc. Personnellement j'aime la simplicité rustique de cette terrasse telle qu'elle est, mais je comprends la nécessité de protéger le tout pendant les mois rudes. Je recharge les batteries avec un chocolat chaud riche et généreux, tout en cédant aux demandes de caresses répétées des deux chiens. Ragaillardi, je repars, non sans souhaiter le meilleur au proprio.

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Pause réchauffement, bien entouré par la faune locale

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La route redevient plus urbaine et rapide vers Berane, petite ville au milieu des montagnes. De là, je prends de nouveau plein est en direction de la frontière du Kosovo. Je traverse Rozaje, similaire à Berane. Visuellement, je reconnais un style alpin ; après tout, même sous ces latitudes, je suis toujours dans les Alpes (dinariques). Les maisons trapues côtoient une patine industrielle contribuée par les assez nombreuses scieries et entreprises de BTP locales. Au détour de ce décor qui ne choquerait pas en Autriche ou en Italie du nord, les minarets rappellent qu'on est en ancien territoire ottoman.

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Rozaje est ma dernière ville monténégrine. La route monte, serpente sur la montagne, et comme les fois précédentes, le même sentiment de vide, de non-lieu s'insinue dans mon esprit. Le trafic est faible voire inexistant. À la frontière monténégrine, je croise un vieux motard Allemand en Ténéré 700 lourdement équipée off-road et camping. Sortant du Kosovo, il vient échanger quelques mots pendant que j'attends mon tour à la douane. Beaucoup de pluie, me dit-il, depuis une semaine qu'il tourne dans le pays. Il a commencé sa boucle par la Slovaquie, puis la Hongrie, la Serbie, un peu de Bulgarie, le Kosovo, maintenant le Monténégro, la Bosnie, la Croatie, la Slovénie puis retour au bercail. Nettement plus aventurier que moi sur ce coup, il s'est fendu de l'automne frisquet pendant que je chassais l'été sur la côte. Une rencontre sympathique avant le désert motard que seront le Kosovo et la Macédoine.

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2. Kosovo

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Entre les deux douanes, la route continue d'être large et roulante, mais le paysage, d’abord caché par la forêt, commence à s'ouvrir. Quelques huttes de bergers confèrent à cet endroit un aspect authentique et centenaire en décalage avec les douanes chétives, presque puériles, posées sur ce territoire constamment disputé. Contrairement à mes attentes, le douanier kosovar est nettement plus sympa que le monténégrin, me demandant des détails sur mon voyage. Petite info en passant, d'ordre administratif : la carte verte n'est pas reconnue par le Kosovo, il me faut donc acheter une assurance sur place. Mauvaise surprise ? Pas vraiment, ça ne coûte que 10€ pour ma moto. Le pire est peut-être l'employé dans son cabanon qui pianote mon document sans me jeter un regard ni m'adresser un mot. Mes papiers en règle, je passe la douane au moment où je croise, dans l'autre sens, le dernier motard que je verrai avant Thessalonique.

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Un vrai aventurier et un Allemand pas en GS, ça change !

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Promis je suis en règle !

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En grand : https://i.imgur.com/pAv0iwQ.jpg
Vue sur la vallée depuis la descente de la frontière


N'étant pas sûr d'aller jusqu'en Grèce et n'ayant certainement pas anticipé de passer par le Kosovo, je n'avais rien de prévu à voir sur place. Je suis dans ma deuxième semaine, et j'ai encore un sacré bout de chemin à faire en Grèce : avec si peu de temps disponible, je n'hésite pas à décider de traverser le Kosovo d'une traite. L'image que j'en garde n'est certainement pas représentative du pays dans son ensemble, et j'espère pouvoir mieux l'explorer un jour.

Dans l'ensemble, et connaissant la gestation complexe et douloureuse de ce pays, et le retard économique à rattraper, l'impression qui s'est dégagée de ma traversée est celle d'un pays avant tout occupé de se nourrir, de s'équiper, de se (re)construire. Non pas que le pays soit en ruines, pas du tout : au contraire, les constructions résidentielles, commerciales, industrielles sont étalées partout, à tel point qu'il m'est difficile de savoir où commence et s'arrête une agglomération. C'est plutôt le manque de finition et l'apparente désorganisation qui donnent l'image d'un pays sans la moindre planification, peut-être encore coincé dans une vision à (très) court terme. D'où il découle, d'après ma perception, que le pays ne me semble pas accueillant ; pas dans le sens négatif, mais dans le sens où l'économie kosovare, où le tourisme est encore anecdotique, a bien d'autres priorités que de s'apprêter pour plaire aux touristes (on parle d’un pays qui, en 2022, n’a pas de domaine internet spécifique…).

A contrario du Monténégro qui était 80% de montagnes pour 20% de plaine, le Kosovo c'est grosso modo 80% de plaine pour 20% de montagnes. Je jouis d'une vue imprenable sur la plaine de Klina au fil des lacets qui dévalent de la frontière. Dès que j'arrive en plaine, donc en terrain urbanisé, je remarque l'apparente confusion qui baigne le pays. Les poids lourds côtoient les tracteurs et les SUV de luxe, sur des routes de chèvres qui débouchent sur des 2x2 voies bordées de petits commerces, quand ailleurs on se croise à 110 sur une double voie ; les petits stands d'agriculteurs locaux se tiennent dans l'ombre de gros bâtiments de zone commerciale, pointillés de grosses maisons résidentielles au style opulent mais sans jardin, voire sans revêtement. La plupart du temps je ne comprenais pas le type de route sur lequel je roulais. Passer un sommet de colline me permettait de constater que l'urbanisme éclaté couvrait tout le paysage visible.

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La partie visible de l'économie est toute en contradictions et en interrogations. J'ai croisé des centaines de maisons, souvent ambitieuses (étage, balcons, de la surface pour deux ou quatre appartements), manifestement habitées mais sans revêtement, parpaings à vif. La culture du jardin (si je puis dire) est virtuellement inexistante, celui-ci n'étant jamais plus élaboré qu'un gazon propre, et bien plus fréquemment laissé en friche. Des maisons neuves, bourgeoises, côtoient des bicoques d'agriculteurs et s'implantent au bord des routes où la circulation est permanente (ces maisons sont visiblement plus récentes que la route, donc les propriétaires ont décidé de s'installer au bord du bruit). Si les routes et les trottoirs en agglomération sont plutôt propres et en bon état, il est impossible de ne pas trouver une bande de cailloux entre route et trottoir, un parking en cailloux, une rue, etc. Des maisons d'un style contemporain, là encore de toute évidence neuves et destinées à une clientèle de classe moyenne-haute, sont installées à 10 mètres d'une 2x2 voies à 90km/h, de l'autre côté d'une rangée de garages auto, de fournisseurs de métal, de sièges d'entreprises, sans le moindre centre-ville pédestre ni commerce de proximité. Faut-il mentionner l'évident danger de quitter ou de s'insérer sur ces "strodes" (mélange de rue (street) et de route (road) à l'américaine), sans la moindre voie de dégagement et d'insertion ; ici, rouler sur le bas-côté est commun aux automobilistes lents.

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Quelques captures du Kosovo "lambda"

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Les maisons non finies, habitées ou non, sont légion. Trois d'entre elles rien que sur cette photo

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Notez les villas à gauche, en bord de voie rapide où ça roule entre 80 et 110

On croise pas mal de SUV de luxe (Cayenne, etc.), les berlines BMW et Mercedes typiques, et du tuning moche, ringard chez nous depuis 20 ans. Parfois, d'énormes concessionnaires de voitures de luxe sautent aux yeux, en inadéquation totale avec ce qui les entoure. Pour une raison qui m'échappe, on peut croiser une station service tous les deux kilomètres sur dix kilomètres, et mieux que cela, trois stations service concurrentes les unes à côté des autres (véridique). Le nombre de lavages auto est lui aussi surprenant. J'ai eu le sentiment, sans creuser spécifiquement le sujet, que le Kosovo a tout récemment accédé à la société de consommation, et que la voiture individuelle a encore, là-bas, le statut symbolique qu'elle avait chez nous il y a plusieurs décennies. Le parc automobile semble globalement recevoir plus de soins que le parc immobilier : les voitures sont propres, récentes, et le nombre de commerces liés à l'automobile tend à prouver que la voiture individuelle compte plus que leur maison aux yeux des Kosovars qui peuvent y consacrer du revenu.

À l'opposé des départementales et nationales (pour faire simple), une fois sur autoroute, les stations service sont extrêmement rares. Plusieurs fois j'ai vu indiquée une aire de repos avec station service, pour ne trouver, une fois à hauteur, qu'une sortie condamnée et un remblai couvert d'herbe, sans la moindre trace qu'il y eût jamais là la moindre infrastructure. Étant donné son état impeccable, l'autoroute est sans doute toute neuve, et quasi équipée.

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Je vois le panneau de sortie mais je cherche l'aire de repos

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Le ciel immense repose l'esprit après les montagnes du Monténégro

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Cherchant un endroit pour manger, j'interromps ma session de 130 pour traverser une ou deux communes proches. La même confusion d'espaces urbains opère à petite échelle. Je ne trouve pas de centre-ville, en fait. Les communes semblent étalées de long d'axes routiers (l'importance du réseau routier pour l'économie est ici limpide), au lieu d'une place ou d'une mairie. Cette logique, proche de la planification urbaine à l'américaine, me donne l'impression d'être, partout, dans une zone commerciale. La route se dégrade en parkings non délimités devant les enseignes, et dépité à l'idée de ne pas parvenir à trouver un endroit qui ne soit pas posé au bord de la route, je renonce à m'arrêter. Par ailleurs, j'ai toujours ce sentiment de préoccupation qui me fait penser qu'ils ont mieux à faire que de servir un touriste. Pour retrouver l'autoroute, qui à cet endroit n'est pas isolée, afin de permettre un accès facile aux commerces en bordure, je dois décoller de l'intersection en T à toute vitesse. Oui, ça défile à 120 devant ma ligne de stop.

Il faut que je nuance ce "sentiment de préoccupation" pour m'assurer d'être bien compris. Il ne s'agit pas du tout d'un sentiment d'être en danger, d'être scruté, etc. Rien de tout cela. À aucun moment lors de voyage, jusque-là, ne me suis-je senti en danger où dans un endroit qui "craint". Disons, plus correctement peut-être, qu'à l'inverse de partout ailleurs dans les Balkans, je n'ai pas senti au Kosovo une décontraction, une tranquillité de vie dans une petite commune ou un village, m'incitant à m'arrêter. Parce que j'ai l'impression que tout le pays est un maillage de zones commerciales ou industrielles à travers lequel transite en permanence un trafic modéré mais ininterrompu.

Je poursuis donc ma route et concentre mon attention sur le paysage, en direction de Skopje, la capitale macédonienne sise juste après la frontière.

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Ce pont impressionnant se dérobe à l'horizon...

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... et se poursuit jusqu'à la frontière




4. Macédoine

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Je n'ai pas autant à dire sur la Macédoine du Nord. S'il était originellement prévu que j'y visite quelques lieux au niveau de la frontière albanaise, comme le parc national de Galicica et ses deux lacs, le changement de route et le temps limité me confinent à l'autoroute. Le segment jusqu'à Skopje serpente dans des gorges s'ouvrant progressivement sur une grande plaine. Après cela, c'est de l'autoroute pure et dure jusqu'à la Grèce. À la faveur des lignes droites interminables et du rythme régulier de pépette, je laisse voguer mon esprit à diverses réflexions. Je profite de cette transition désaturée pour ancrer dans ma mémoire cette première partie du voyage. C'est à peine si je m'arrête faire un plein, exerçant pour la dernière fois mon serbo-croate rudimentaire. À peine ai-je le temps de remarquer la végétation un peu plus sèche et les températures de nouveau estivales que la frontière est là.

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L'austère minimalisme des paysages macédoniens ne manque pas d'un certain attrait pour qui aime les grands espaces

Succès débloqué : quatre pays dans la même journée.




5. Thessalonique

Je suis accueilli en Grèce par deux jolies douanières, dont l'une (mignonne brune à lunettes) a clairement les yeux qui brillent à la vue d'un voyageur au long cours. Je serais bien resté faire connaissance si les circonstances l'eussent permis ! La douane derrière moi, et de nouveau dans l'Empire de Bruxelles, je savoure mon arrivée dans cette nation à laquelle aucun philosophe n'est insensible. Le climat, les couleurs, le paysage, il y a comme quelque chose de familier.

Je déchante brutalement lorsque l'autoroute se mue, silencieusement et sournoisement, en simple deux-voies à double sens de circulation, où l'on se croise à 110 sans aucune protection au milieu de la chaussée. Déjà. Mais en plus, je découvre à cette occasion les pratiques routières de la Grèce, où rouler sur le bas-coté/la bande d'arrêt d'urgence (on ne sait pas bien) est non seulement conseillé mais vital pour laisser passer les furieux qui doublent à 160 et plus. C'est-à-dire qu'avec environ 12 kilomètres de ligne droite, cette route éveille des vocations.

Il est alors judicieux de réajuster ses propres habitudes. Au lieu des 5 secondes que l'on enseigne en moto école, c'est toutes les secondes qu'il faut contrôler ses rétroviseurs. Et ce n'est pas une exagération : une fois, la route étant libre devant et derrière, j'ai porté mon attention sur le paysage pendant 8 ou 10 secondes — jusqu'à ce qu'un Cayenne me surprenne par son déplacement d'air en me dépassant comme une balle à 30 cm de mon guidon (ce n'est pas une exagération non plus). Voilà donc la première fois que je me sens en danger sur la route, et je considère cette route (E75/route 1) comme l'une des plus dangereuses de tout mon parcours. Oubliez les falaises, les graviers, les lacets : là, j'ai eu une vraie frousse. J'ai compté les minutes jusqu'à sortir de ce coupe-gorge.

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La route de la mort

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Quand la bande d'arrêt d'urgence devient bande de sécurité pour les véhicules lents

Malheureusement, cette fin de journée n'allait pas vraiment s'améliorer. Lorsque cette route de la mort s'achève, c'est pour enchaîner sur le périphérique de Thessalonique. J'avais noté de passer saluer un vieil ami, Alexandre le Grand, dont la statue orne le front de mer de Thessalonique. Je n'avais pas calculé l'échelle de l'enfer urbain qu'est Thessalonique. Après un interminable — et dangereux — périphérique, j'accède au centre-ville congestionné, un (autre) enfer largement pire que Lyon. Malmené sur une cinq voies en plein centre-ville, je m'adapte rapidement et joue de l'interfile à tout va, extrêmement attentif à tout mouvement autour de moi. La journée a été longue et je me suis fourré dans un merdier insupportable. Je suis le GPS, j'approche du front de mer, une place ?

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La promenade est tout à droite, derrière la rangée d'arbres. Charmant.

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When in Rome, do as the Romans do

Ha ! Certainement pas. Une voire deux files de stationnement, aucune place (j'ai pensé me garer sur la large promenade, puis j’ai renoncé), un flot constant. Cette même cinq voies sépare la promenade du reste du centre-ville. Une horreur, une aberration urbaine, une violence faite au bon sens. J'aperçois la statue et me contente d'un salut de loin. Tout en jouant de l'accordéon entre les bagnoles et les scooters, je pianote une destination quelconque à l'extérieur, à l'ouest de Thessalonique, du côté de la route de demain. Je poursuis sur une autre cinq voies, celle qui part vers l'ouest (oui chaque cinq voies est à sens unique). Entre les scooters, les bus, les piétons, le bordel que je déteste et l'allure insupportablement lente parfois et dangereusement rapide la seconde d'après, je crains à un moment de faire une crise d'angoisse. Plus d'une heure de cet enfer avant de respirer l'air de la plaine. Je bifurque dans le premier bled modeste, me gare, souffle.

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Le soleil vient de se coucher. Je suis claqué. Je cherche mon hébergement. Je le trouve, et je néglige de vérifier son emplacement exact avant de réserver... À une quinzaine de kilomètres à vol d'oiseau... de l'autre côté de la baie. Donc de l'autre côté… de Thessalonique. Je me tape la tête contre le réservoir deux ou trois fois, j'enfourche la moto, rassemble ce qu'il me reste d'énergie et de courage, et repars.

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Les Grecs roulent soit très lentement, soit beaucoup trop vite

La circulation a légèrement baissé, car l'heure de pointe est passée (oui, j’avais ponctuellement débarqué en pleine rush hour). Je reste sagement sur le périph', et la pilule passe à l'aéroport, à hauteur duquel la route devient une simple départementale. La nuit tombe, le bord de la route me fait un peu penser au Kosovo, curieusement. Tout n'est pas bien clair dans ce plan d'urbanisme. De toute manière, toute cette partie est essentiellement peuplée de résidences balnéaires. Je pousse jusqu'à Agia Triada, trouve mon carré, me maudissant de m'être imposé un troisième passage sur ce périphérique au petit matin.

J'arrive sur place. Pas de numéros sur les bâtiments. J'envoie un message texte via Booking. Pas de réponse. Les minutes passent, j'appelle. Une dame s'avance et me fait signe… Évidemment, le seul coin sombre de la rue : la maison est invisible depuis celle-ci. Je me gare enfin. Douche, cuisine, climatisation, très bien, merci madame, kalinikta et boum, je m'effondre vaincu par le sommeil du juste.

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Jour 11 | Tour d’Olympe - Sklithro - Galaxidi - Route 48

Message par Qohen »

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Peu de visites encore aujourd’hui, qui est une journée de route nécessaire (et un peu plaisir). L’objectif est d’atteindre le Golfe de Corinthe. Au vu du temps qui passe, je ne peux pas tout voir en Grèce et je priorise, par affinité, le Péloponnèse.

1. Tour d’Olympe

Au point du jour je m’insère avec un soupir sur le périphérique de Thessalonique. Dans mon sens, il est toutefois décemment fluide. L’autoroute matinale a quelque chose de méditatif ; comme toutes les aubes claires, elle est pleine de promesses. Chaque nouvelle journée débutée sur la route procure un petit moment de magie, pendant lequel l’idée de l’inconnu du jour donne à l’existence une saveur subtile et rare. Si l’éventuel petit nœud au ventre disparaît dès le deuxième jour sur la route, persiste comme une légère saturation des couleurs, une intensité aux choses les plus banales, un entraînement de l’esprit qui retrouve une stimulation après l’apnée affadie de la répétitivité domestique.

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Selon mon premier plan, je voulais atteindre en randonnée un des trois sommets du mont Olympe. Encore une fois, par manque de temps, et en grande partie aussi à cause de la météo, je me contenterai simplement de faire le tour de ce symbole culturel. Le ciel, en effet, voit s’affronter les forces du cumulus blanc et du cumulonimbus gris, en une danse aérienne qui tourne imperceptiblement à l’avantage de ce dernier. J’entame la route d’Agios Dimitrios qui trace à flanc dans l’une des gorges contournant par le nord le mont Olympe. Sitôt quittée la plaine, la température dégringole. Je peste vaguement de ne pas me dépêtrer de l’automne que je fuis depuis presque deux semaines.

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La route se montre à la hauteur d’une bonne route de gorges, avec le désormais habituel manque d’entretien. Je lâche la bride et m’amuse pour oublier la météo, qui se rappelle régulièrement à mon bon souvenir par des gouttes intermittentes. De la descente je vois l’immense plaine fertile tapissée au pied de l’Olympe. Je coupe rapidement vers le sud, observant autour de moi la déréliction de la Grèce intérieure. Lorsque j’arrive à Kallithéa pour faire une pause, je prends un premier coup de froid.

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De nouveau cet aspect de petite ville américaine pauvre

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La place de Kallithéa, en milieu de journée, en semaine

Kallithéa est une petite commune plate et quadrillée, sans prétention. Je surveille les intersections mais manifestement aucune voiture ne circule. En fait, personne n’est visible. Je m’arrête sur la place et regarde autour de moi : personne dans les rues, et pas un commerce ouvert. Il est mardi, milieu de journée. La place est vide. Les cafés ont tables et chaises installées, mais tout est fermé. D’où je suis, je peux compter trois, quatre préavis d’expulsion placardés aux portes de maisons dorénavant condamnées. Quelques minutes plus tard, un tracteur passe, une dame et son fils s’asseyent à l’arrêt de bus. Puis plus rien. Je repars dans un silence sec, emportant un premier, mais pas unique, exemple de l’économie effondrée en Grèce intérieure.

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Je mets cap à l’est pour longer de nouveau l’Olympe, par son côté sud. Le temps est si épais qu’au final, je ne vois même pas le sommet. Quant à y randonner… Je suis largement sous-équipé pour affronter un tel froid. Au sud du mont Olympe, il y a la route* qui relie Karya à Leptokarya : c’est la première vraie route fun au programme de mon petit tour de Grèce. Régulière et dégagée, viroleuse comme attendu, elle s'avère joueuse. La pluie qui s'affirme ne parvient pas à ruiner mon plaisir, et même les (nombreux) défauts du bitume finissent par ajouter du piquant à l'exercice.

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La route se termine par une série d’épingles qui surplombent la mince plaine délimitée par la mer Egée. Je tente de repousser l’automne en allant sur la plage de Leptokarya… De nouveau, une commune à peu près déserte ; les rues sont sales, la plage est sale, le ciel est sale. Comme un sarcasme, un banc posé à quelques mètres de l’eau m’invite à contempler ce spectacle démoralisant. Bien que ma découverte de la Grèce soit jusqu’à présent peu réjouissante, la déception ne m’effleure pas : l’avantage d’être sans cesse en mouvement, c’est qu’il suffit de se concentrer sur la suite lorsque le présent ne nous emballe pas.




2. Sur la route de Sklithro

Depuis Stomio, un peu plus au sud, j’emprunte la route du littoral. Cette longue route, qui se poursuit par une excellente route de montagne, est elle aussi très joueuse tandis qu'elle se déroule à flanc de colline en longeant la mer. Comme le reste de la Grèce jusqu'à présent, hors de la ruche Thessalonique, la route est quasiment déserte (à ce moment-là l'essence est à 2€ et plus). Trop concentré sur mon "pilotage", je ne prête pas vraiment attention à cette discrète impression de me trouver dans un no man's land, impression qui se nourrit des communes que je traverse successivement comme des décors de cinéma, tant les rues sont vides, mortes.

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Je vois régulièrement ce dont j'avais oublié l'existence depuis deux semaines : des graffitis. Panneaux penchés, poubelles abandonnées, éléments de rouille ; la végétation envahissante, débordant sur les glissières, les routes, les murs, au milieu de laquelle surnagent des poteaux électriques rarement à l'aplomb, contribuent à une vague atmosphère d'abandon, de laisser-aller. Il n'y aurait pas grand-chose à ajouter pour parfaire un décor post-apocalyptique réaliste, et finalement, économiquement, c'est l'état de la Grèce continentale, celle qui ne bénéficie que peu du tourisme. J'ai du mal à réconcilier la misère ambiante avec le berceau de la civilisation.

Si la saison se terminait doucement sur l'Adriatique, ici elle est bel et bien terminée. Les plages sont en friches, les poubelles, nombreuses, sont laissées un peu n'importe où. Des maisons abandonnées en pleine construction commencent à apparaître. La plupart des volets sont baissés. L'impression de traverser une zone indécise, ni habitée ni abandonnée, ni entretenue ni ruinée, me colle à la peau. Le plus souvent, la seule vie qui anime une commune est le ou la pompiste de la station service locale — si toutefois celle-ci n'a pas déposé le bilan.

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Mais à ce moment-là ma préoccupation est la route, avec ses longues courbes aux angles toujours changeants, ses quelques chicanes, ses subtils changements d'élévation, sa ligne médiane que je charcute allègrement dès que la visibilité le permet. À hauteur de Velika la route se décline en une ligne droite ininterrompue de quelques kilomètres, traversant plusieurs communes balnéaires entre la plage et les résidences et hôtels. Plusieurs kilomètres presque déserts (quelques commerces sont ouverts), entre une plage grisâtre, un ciel bouché, des poubelles, des détritus, des structures usées. C'est l'ambiance d'après-fête, lorsque le fun et tous les invités sont partis, qu'il reste un sol jonché de déchets poussés du pied par quelques locaux hagards à la lueur d'un matin froid. Un matin qui dure depuis plusieurs années.

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Je retraverse les montagnes au niveau de Rakopotamos, m'éloignant du littoral, vers l'ouest. Troisième interlude à me prendre pour un pilote sur ma mule, avant de rattraper l'autoroute pour enquiller un peu de distance car le Péloponnèse est encore loin. Je bifurque plein sud, contournant le mont Othrys par le sud, en longeant le golfe de Malia.

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3. Galaxidi

Ce deuxième jour en Grèce n'est pas vraiment excitant, il faut l'admettre, et cette autoroute quelconque est aussi galvanisante que la couette grisâtre qui refuse de s'évaporer. Une lueur d'espoir toutefois sous la forme d'une trouée dans les nuages, d'où jaillit un bref rayon de soleil, promet un dénouement plus heureux à ce faux départ dans la patrie de mes mentors spirituels. Mais avant, à Thermopyles, il faut traverser deux derniers cols pour accéder au Golfe de Corinthe, porte du Péloponnèse.

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Attention les toutous... Chiens de bergers qui signalent le troupeau de chèvres sur la route, juste après le virage

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Plein d'entrain à l'idée de voir le mont Parnasse des poètes, je goûte une route propre et rapide mais un peu trempée... Profitant d'être en territoire mythologique, j'adresse une rapide supplique aux divinités parnassiennes de m'accorder enfin un peu de beau temps, bordel. Cela étant fait, je mets du gaz et tombe les courbes les unes après les autres. Quand enfin le sommet est visible… il est invisible, car encharpé de nuages gris.

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C'est à peu près à ce moment-là que ma prière est rejetée sous forme de pluie. Le second col ne présente pas de difficulté, et excite ma distraction par des vues dégagées sur les montagnes aux sommets embués. À portée du point culminant, la pluie, qui s'était arrêtée entre-temps, revient. Mais pas comme les petites douchettes aguicheuses de ce matin : une pluie modeste mais régulière, clairement partie pour durer. Autant la pluie, de temps en temps, ne me gêne pas, autant la descente de col sous la drache, je ne suis pas fan. J'adopte une conduite très prudente car la pluie s'énerve à mesure que la pente s'accentue, et les lacets arrivent.

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Concentration maximale, priorisation de l'attention, serrer les dents à cause du froid... Je m'en serais bien passé, mais le ride prend des airs de défi de survivalisme et en devient presque exaltant. Les pneus, quant à eux, ne sont jamais pris en défaut. Je trouve un café-restaurant quelque part sur la descente, mais sans pouvoir garer la moto sous un abri, je préfère repartir sous le déluge... Ma moto et moi, ou personne, mec. Après encore plusieurs kilomètres de cette épreuve, je retrouve le plat de la vallée en expédiant un Yippee-ki-yay motherfucker! pour fêter l'absence de chute. Le ciel ne tarde pas à se défaire de cette purée grise, et le réconfort du bleu céleste et de la température douce m'enveloppe comme un drap chaud.

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La fin du dépit

Remotivé une fois de plus aujourd'hui, j'enchaîne sur la dernière partie de la journée. Le paysage change, plus rocheux, plus sec, et m'invite déjà dans le sud que je chasse depuis des jours.

Mais on ne me foutera pas la paix tout de suite. Un poids lourd que j'ai doublé en bas du col revient à la charge et me colle au cul. Je traverse les bleds à 60, ce qui est la moyenne ici, et ce taré me rattrape quand même. Et il me colle au cul, alors que je suis quasi en permanence au-dessus de la limite légale. Pour être honnête, j'ai été un peu con, j'aurais dû le laisser passer sans attendre ; au lieu de ça, pour ne pas avoir son cul sur la vidéo et par fierté, je me suis maintenu devant, je l'ai semé, jusqu'à rattraper une voiture et un autre poids lourd, sans possibilité de doubler sur de longs kilomètres, et retrouver l'emmerdeur dans mon rétroviseur. Parfois on oublie de laisser l'ego dans les sacoches. Etant données les "traditions" de conduite ici, il n'y avait peut-être aucune malveillance de la part du routier ; ce qui n'enlève rien à la prise de risque. Bref, un mauvais calcul de ma part.

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Je file donc en direction de Galaxidi sur le littoral du Golfe, sur une magnifique route de côte. Le paysage sec, brun et pelé éveille mes sens. Les villages au bord de l'eau sont un soulagement après la tristesse de la Grèce intérieure froide et humide. Le soleil de fin de journée commence à dorer quelques collines et à réchauffer le cœur.

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Le SOLEIL ! Enfin !

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Le dépassement bien avisé. Heureusement pour moi, j'ai la conviction que les radars grecs, pour x raison, ne fonctionnent plus

Je me laisse filer jusqu'au charmant centre de Galaxidi. Je m'étire, achète des pâtes pour ce soir à la supérette anémique, et m'accorde une bonne pause. Le silence est exquis. Demain on reprend les visites et un rythme un peu plus cool. Bon, si on réfléchissait à où passer cette nuit...

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Petite place agréable. Galaxidi disposerait de quelques églises notables




4. Route 48 vers Erateini

La journée s'achève sur une note positive. En quittant Galaxidi pour Erateini, où se trouve mon hébergement au bord de la plage, je suis lancé sur une magnifique route de côte que caresse un crépuscule ravissant. Les nuages, antagonistes toute la journée, sculptent maintenant un tableau sans cesse changeant. La circulation s'étiole jusqu'au néant, les quelques petites communes littorales brillent de lampadaires sur fond de collines brunes, comme des feux sur des villes d'Orient il y a plusieurs millénaires...

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L'atmosphère est bien plus conviviale que ce que j'ai pu croiser jusqu'à présent

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Et nous voilà enfin arrivé...

*https://www.dangerousroads.org/europe/g ... -road.html

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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par varaboliot »

Jolies photos depuis le poste de pilotage. :love

Je me revois au guidon de la Bonette.. :vieux

Merci à toi "Speedy l'écrivain" thx :respect
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Qohen
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Jour 12 | Delphes - Domvraina - Isthme de Corinthe - Paralio Astros

Message par Qohen »

Tout le plaisir est pour moi :wink: Allez, le retour du soleil !
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1. Erataini

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Au lever du lit, je sors sur la terrasse m’enquérir de l’état de mon jean. Têtu comme un bélier, par défi à l’encontre des petites pluies successives, je n’avais pas pris la peine d’enfiler le sur-pantalon étanche. Jusqu’à la drache qui remporta la dispute. Je tâte mon jean suspendu par deux tendeurs au garde-fou : grâce au vent marin, il est sec ! Je descends récupérer ma lessive, sèche elle aussi. Parfait. Cette journée commence bien. Je prépare mon bazar puis sors au point du jour pour ma petite marche habituelle. Je longe un front de mer sans surprise : désert, un peu délabré, un peu sale. L’air iodé me fait du bien. Le bruit des vagues hypnotise ma pensée et je me laisse aller à muser le long de l’eau, sous un ciel effiloché et coloré, pensant aux journées de soleil qui m’attendent.

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En grand : https://i.imgur.com/73UQGHx.jpg

Prêt à partir, je roule jusqu’au centre d’Erateini pour le petit-déjeuner. L’atmosphère matinale est aussi conviviale qu’hier soir à mon arrivée. Je m’installe à une terrasse occupée par des petits vieux et non totalement déserte. La petite vie qui s’ébroue ce matin fait plaisir à voir, en dépit et même à l’encontre de la misère matérielle évidente. Sur le chemin de la boulangerie, je passe devant le bureau de poste local. La seule employée attend, debout, appuyée contre le cadre de la porte, le regard las. Elle échange quelques mots avec une vieille dame ; je jette un œil à l’intérieur des vitres sales et distingue un amoncellement de meubles occupant toute la pièce, par ailleurs vide de toute installation. Sans l’employée à la porte, ce local semblerait tout simplement condamné. La boulangerie se porte mieux, mais les stigmates de l’effondrement économique sont évidents. Trois personnes sont présentes derrière le comptoir, mais il n’y a certainement pas d’activité pour trois personnes : la pièce est tout simplement vide, à l’exception de deux étalages à pâtisseries et quelques racks à pain derrière. Tables, chaises, et le reste des étalages ont disparu, peut-être vendus. La bonne humeur des employées n’en semble pas affectée, et c’est avec un grand sourire qu’elles me vendent un croissant fourré, refusant fièrement de garder la monnaie. Si visiblement l’économie ne se porte pas mieux ici que dans la Grèce intérieure, l’humeur toutefois est un peu moins morose.

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Le café dévoile les mêmes cicatrices. La terrasse est meublée, mais l'intérieur est vide. Dans une pièce attenante au comptoir, j’aperçois des cartons et du matériel en vrac. À examiner les murs, il est visible qu’il y eut une décoration, qui n’est plus. Quand nos cafés et bars exhibent généralement une déco opulente, ici le local est réduit à son minimum vital. Le propriétaire s’enquiert de ma route, et l’on commence à discuter. Lui aussi aimerait pouvoir faire un long voyage un jour, mais il n’a pas besoin de mentionner la situation économique de son pays pour laisser entendre que c’est loin d’être possible. J’ai envie d’ajouter que vu la situation globale, ce ne sera peut-être bientôt plus possible pour nous non plus ; mais ça l’est encore, une chance en comparaison de la situation de tant d’autres. De toute évidence servir un étranger lui change des retraités locaux, et subitement je prends conscience du fait que si c’est moi qui voyage et me trouve présentement sur sa terrasse, je transporte sur ma moto quelque chose de tous les lieux traversés et à venir. Je ne suis pas seulement un visiteur hermétique en terre inconnue : je suis aussi une fenêtre ponctuelle, pour lui, donnant sur d’autres horizons. Ainsi je comprends le devoir du voyageur, distinct du touriste, de partager ce qu’il a glané ici et là, plutôt que de le garder pour lui. Un peu comme à l’époque antique, quand les mœurs engageaient l’hôte à offrir le gîte et le couvert et le voyageur ses récits, à l’image d’Ulysse séjournant à la cour d’Alcinoos.

Repu de sucre, je reprends la route 48 sous un ciel engageant, en direction de Delphes. Une petite heure de route plaisir plus tard, je traverse Delphes jusqu’au site archéologique.

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Ces chiens fous, bon sang

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2. Delphes

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En grand : https://i.imgur.com/S4ZIDYp.jpg
Panorama depuis la montée


Agrippée à flanc de falaise sur le côté sud du Parnasse, Delphes est une toute petite ville au charme certain mais très, très visitée. Les voitures garées en bord de route précèdent de très loin le site et plusieurs cars attendent leur cargaison pour le retour. Je voulais absolument aller à Delphes et communier sur ce haut lieu de la philosophie grecque. C’est sur le frontispice du temple d’Apollon que d’après Platon était gravé le précepte “Connais-toi toi-même”, repris et distribué par Socrate comme le fondement de toute démarche de connaissance de soi et par extension, du monde. Ce précepte m’accompagne depuis des années.

En arrivant toutefois, il est évident qu’il me sera impossible de méditer, de consacrer quelques moments d’intime communion avec ces ruines millénaires. Je me gare, et hésite plusieurs minutes à entrer. Dépité, sentant ma répulsion naturelle me gagner, je saisis le guidon pour repartir. Enfin, estimant qu’il serait franchement stupide de partir après avoir fait tant de route pour l’un des lieux phares de mon voyage, je me force à affronter l’essaim de touristes.

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Vue plongeante sur le temple d'Apollon

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Ils ne sont pas si nombreux, en fait, mais présents à peu près partout. À l’encontre de ma timidité qui reflue, j’attrape mon ticket (12€ tout de même) et commence à grimper dans l’inconfort et la chaleur de mon jean moto. Rapidement j’arrive à étouffer cette sur-conscience de faire le touriste, et à juste être un touriste dont tout le monde se fout. Ce que je pensais être une visite assez rapide s’avère rapidement être une interminable ascension : situé au pied de falaises, sur une pente raide, le site de Delphes est tout en verticalité. Une prouesse logistique impressionnante qui se dévoile petit à petit, d’abord par le temple d’Apollon et ses dépendances, puis par un théâtre magnifique donnant sur l’immense vallée en contrebas, enfin par un véritable stade sportif, creusé à même le flanc.

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Le théâtre

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Le stade

Mais peu à peu, l’étonnement pratique laisse place à une admiration esthétique. Il faut se représenter ce site neuf, blanc de pierre sous le soleil méridional, agrémenté de végétation choisie, fruit d’une piété assidue mêlée à une sagesse dont nous sommes les indignes héritiers. Je me demande comment ne pas développer un sentiment religieux sur ce théâtre si dramatique, dominant la terre et humilié par la montagne, pointillé de flammes luminaires à la tombée du jour, quand les couleurs crépusculaires saturées dégradent sur la crête des montagnes au loin, puis que les étoiles, ces divinités résidant dans l’éther, couvrent le site de leur incompréhensible immensité. Piété et mystère, si l’on prête l’attention en dépit des cordons de sécurité, sourdent encore à travers ces pierres immémorielles.




3. Direction Corinthe

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Après la redescente, de retour à Itea, je trace plein est vers l'isthme de Corinthe, par la route qui longe la côte. Je retrouve aussitôt le paysage qui m'élève l'âme. La route se distend en longues courbes fluides accolées à un flanc de roche beige et ocre, maladroitement coiffé de végétation sèche. Le bitume gris et la pierre claire réverbèrent la lumière qui baigne le paysage. À la verticalité du relief répond l'horizon lointain de la mer que je ne peux embrasser d'un seul regard. Dans ce décor chaud je file, penche, vire, doublant sur simple suggestion de contre-braquage, attentif seulement à ce fragile équilibre entre soi et le monde où, à la faveur des circonstances, tout est parfait.

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Entre deux temps de virolos parmi les collines, je traverse la petite commune de Distomo. La vie y est plus... vivante qu'à Kallithéa. À mesure que je roule vers le sud je crois distinguer une nette dichotomie entre l'intérieur, triste, désert, et le sud, pas forcément plus prospère en apparence, mais plus vivant, plus présent (bien que moins peuplé). Je traverse la campagne sèche à toute allure sous le ciel bleu, extatique de retrouver l'ambiance du sud, de "mon" sud tel que je l'aime. Les chemins qui bifurquent de la route donnent très envie de faire du off-road. Les cyprès me signalent régulièrement que je suis bien en Grèce, et tout mon imaginaire Antique vient baigner ma perception de références culturelles et d'affinités philosophiques.

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Un bel exemple de maison à moitié finie, sans doute interrompue par la crise

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Autre signe que l'ambiance change : on me laisse doubler facilement. Ce qui n'arrivait pas du tout au nord — c'était plutôt l'inverse car on me doublait comme un sauvage — est ici la norme : sitôt qu'on voit une moto derrière, on s'écarte un peu. Un réflexe très appréciable, que je ne manque jamais de remercier d'un geste, ce qui ne se fait absolument pas en dehors de la France, visiblement : jamais personne ne m'a remercié d'avoir facilité le dépassement !

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Passé Kyriaki, tandis que je progresse dans la vallée entre les montagnes, je me trouve sur une route... une des routes les plus excitantes du voyage, et pourtant elle ne paie pas de mine. Simple bande de bitume, large, sans marquage, mal entretenue et abîmée par le froid et le gel, elle est à la fois virageuse et ouverte, ce qui invite évidemment à ouvrir les gaz. La circulation est virtuellement inexistante. Et ce qui la rend si fun, curieusement, ce sont tous les défauts qui pimentent l'exercice. De fait, on est à la fois sur une spéciale et sur un exercice d'évitement. On gaze, ça roule vite, ça secoue, gauche-droite, un vrai kif. Je regrette d'avoir été si sage niveau vitesse, mais avec 60 ch et pas mal de bagages, on ne fait pas de miracle.

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La descente sur Domvraina offre une vue imprenable sur la vallée et les lacets. Je commence à me demander si la Grèce n'est pas un paradis pour la moto (exception faite des prix actuels de l'essence...). Roulant en trail, je commence vraiment à prendre goût aux défauts de la route. Je ne roulerai jamais sport, ni genou à terre, du coup les évitements et les secousses ajoutent des sensations sans nécessiter de rouler très vite. Je suppose que ça ajoute un petit côté off-road, tout en gardant le confort et le grip du bitume. Dans tous les cas, ça donne VRAIMENT envie de jouer.

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En grand : https://i.imgur.com/sx230l3.jpg

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Certaines communes portent de véritables cicatrices

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En revanche, les églises sont toujours impeccables, quel que soit l'état de la ville

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Entre grands espaces et roches sinueuses, la route s'allonge encore et encore en direction de Corinthe. Les buissons et hautes herbes assiègent les glissières, les poteaux électriques jalonnent la route comme des repères sur une terre non conquise, des maisons reculées se dissimulent parmi les falaises claires. Je suis presque tout le temps seul sur la route, comme si j'avais traversé la paroi du monde pour échouer dans une backroom, sur une carte de test, sans la simulation des humains pour la peupler. Les collines encadrent la route et m'isolent du monde extérieur. La possibilité de pouvoir rouler à son rythme, de flotter sur les aspérités de la croûte terrestre, de décompter les courbes l'une après l'autre sans gêne ni interruption, voilà qui me donne une sensation de liberté, si illusoire soit-elle. Ainsi approché-je d'Athènes, détour obligé pour attraper l'autoroute...

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Et quel détour. Si la route jusqu'à présent avait été royale, les abords les plus extérieurs du bidonville géant qu'est Athènes sont parmi les plus dangereux que je connaisse. Doublé à fond de balle, collé au cul, tous les symptômes de l'abrutissement motorisé font leur retour. Rapidement je m'engage sur l'autoroute, qui n'est pas très rassurante non plus, entre le vent latéral brutal et les mêmes chauffards sur la voie de gauche. Les phares dans les tunnels sont en option, pratique pour distinguer un Renault Trafic noir, feux éteints, qui roule à 70 sur ma voie. Pour parachever la redescente sur terre, la pluie revient en force et m'asperge juste le temps de tout tremper, puis disparaît.

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Tandis que Jacky roule sur la voie de dépassement d'en face depuis 20 secondes, Kévin, dans mon rétroviseur, déborde et hésite à me dépasser avant un virage aveugle...

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Traversant l'isthme

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Histoire que je ne m'habitue pas trop au soleil




4. Paralio Astros

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Le ciel est lourd et il semble pleuvoir à l'horizon. J'ai passé Mégare, Corinthe, Mycènes, qui, à défaut de ravir les sens, m'évoquent tant d'Histoire et de mythologie. On dit qu'il ne faut jamais rencontrer ses héros ; je crois que si l'on ne supporte guère l'avilissement moral de la mise en scène du tourisme de masse, c'est aussi vrai pour un grand nombre de lieux personnellement significatifs. Certains de ces lieux sont restés minuscules, tels Delphes, et Mycènes, où je me serais arrêté si le temps eût été meilleur ; d'autres, comme Corinthe ou Argos, sont devenues des villes ruinées par la crise, étalées autour de leurs noyaux antiques comme de la moisissure, et je préfère encore ne pas m'y arrêter.

Je ne suis pas dépité de ne pas visiter dans mes conditions favorites : comme je l'ai mentionné au tout début, je me passe parfaitement de la "vraie" chose si je ne peux pas avoir une connexion avec. Je préfère converser avec un local dans n'importe quel bled anonyme que faire la queue avec mon appareil photo devant le Parthénon. Ce qui me chagrine, c'est le peu qu'il reste d'une si riche histoire, et la vulgarité de la vie urbaine qui l'entoure, enlaidie encore par l'effondrement économique. À mon sens, la valeur de telles reliques d'un passé exceptionnel est non seulement une valeur culturelle, mais aussi une valeur morale ; et la lente déliquescence de la Grèce, ironiquement symbolique de celle de l'Europe dans son ensemble, illustre pour moi la lente évaporation du sens moral.

Me voici donc dans le Péloponnèse. Avec le ciel qui menace encore, je pioche Nafplio pour prendre une pause et chercher mon hébergement. Il tombe de nouveau quelques gouttes. Nafplio est plutôt déserte, mais je trouve une place devant une église et un café ouvert. Je m'attable en terrasse, avec un café chaud. Un vieux hagard attablé plus loin carbonise clope sur clope en marmonnant. La serveuse, habillée trop jeune pour sa fin de trentaine, est minée d'un ennui au fond du regard, qu'on devine à la faible fréquentation. La sono est toujours là, mais les murs sont nus. Le temps d'observer un peu les environs et la pluie s'intensifie. Je me déplace à l'intérieur, cours récupérer le sac à dos avec la GoPro et l'appareil photo, en portant mon casque comme une capuche. La drache, la vraie, s'effondre pendant plus d'une heure sur les pavés. Deuxième café. L'attente. Je rumine cette putain de pluie qui ne me lâche pas. Je n'y pense pas encore, mais j'ai laissé le micro sur la moto, dans son petit fourreau de mousse, fixé au crashbar ; incroyablement, sa bonnette poilue l'aura protégé d'une pluie d'orage pendant plus d'une heure, et à peine humide, il s'allumera sans problème le soir même !

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Quand enfin cesse le déluge, j'enfile le sur-pantalon et prends la direction de mon hébergement, à Paralio Astros, sur le littoral, un peu au sud de Nafplio. La route est détrempée et la pluie reste modérée mais constante. Je trouve l'endroit, gare la moto sous un toit, désarçonne et pousse un soupir de soulagement. Au moins cette route de côte m'offrit-elle un aperçu de ce qui m'attend sur le Péloponnèse... c'est-à-dire une belle série de routes de folie.

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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par fano »

:bravo :bravo :bravo

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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par ZeDab »

Merci !!!

Toujours aussi bien écrit ! Toujours les photos qui font voyager dans la tête.
Tu ravives mes souvenirs de gamin dont la mère nous traînait tous les ans en Grèce. Par l'ex-Yougoslavie ☺

Dans mes souvenirs, à Delphes il me semble que le "théâtre" est en fait un stade (semblable à celui d'Olympie). Ici se tenaient les jeux delphiques...

ZeDab qu'étale sa science :vieux

[EDIT]
Culture wikipédiesque : les jeux delphiques (ou jeux pythiques)

« La Pythie vient en mangeant » Marcel Gotlib, Rubriques à brac.
>>>> Téléchargez TransalpageMag n°1 ici <<<<
ZeDab est ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d'Alsace-Vosgistan, sa moto est protégée par l'immunité diplomatique.
(merci, Disderi !)

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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par Qohen »

ZeDab a écrit :
20 oct. 2022, 20:25
Dans mes souvenirs, à Delphes il me semble que le "théâtre" est en fait un stade (semblable à celui d'Olympie). Ici se tenaient les jeux delphiques...
C'est-à-dire qu'il y a les deux sur le site de Delphes. Compliqué de faire des compètes sportives sur un théâtre :P

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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par gilou64 »

Superbe, et dire que gamin j'ai fait tout cela durant 4 mois, avec mes parents....caravane, 504 Peugeot, camping sauvage...à 11 ans ça laisse des traces. Merci pour ces vues. thx \o/

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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par Qohen »

4 mois ! Ça a dû être dingue comme expérience !

Tout le plaisir est pour moi !

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Jour 13 | Leonidio - Gorges de Dafnon - Kyparissi - Monemvasia

Message par Qohen »

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1. Leonidio

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En grand : https://i.postimg.cc/9fcqqX6b/pano.jpg

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Nouvel exemple de maison avortée

Comme à mon habitude, je sors au lever du jour marcher un peu. Les prévisions météo indiquent encore de la pluie aujourd’hui : par prudence, j’ai réservé deux nuits ici, au cas où je doive rester à l’intérieur une journée pour ne pas me gâcher les routes du Péloponnèse. Mais le ciel bleu s'émaille d’à peine quelques nuages. Du coup, de retour de ma promenade matinale, je décide de rouler quand même, quitte à ne faire qu’un petit circuit.

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Rester à la maison ? Peuh !

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L’arrivée sur Paralio Astros, la veille, m’avait donné une bonne idée de ce qui allait débuter cette journée. Contournant une roche abrupte, la mer puis la côte se dévoilent à moi. La route en pente serpente sous mes yeux, encadrée par le Golfe bleu à gauche, la roche ocre à droite, et les pentes vertes successives s'estompent dans le lointain. Les collines plongeant dans le Golfe Argolique se dévoilent les unes après les autres au fil de la route qui longe ce relief accidenté. Le soleil sort des nuages et inonde le Golfe. La route devient exceptionnelle.

La route en vidéo :


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Le tracé suit rigoureusement le dessin de la côte ; par-delà les glissières de sécurité, la mer étincelante. Le bitume est excellent, la circulation famélique : un pur plaisir. Que de la courbe, du gauche-droite, une véritable valse à quatre temps avec la gravité qui n'en finit pas de ravir.

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Quelques échancrures entre deux collines permettent d’aménager quelques plages. Un évasement plus large, où les collines s’écrasent dans une plaine subitement plate, dévoile des champs cultivés qui nourrissent la ville de Leonidio, aménagée un peu en retrait. Des falaises dominent cette commune que traverse une rivière complètement à sec, la Dafnon, qui en temps normal irrigue ce petit delta. À la sortie de la ville, un point de vue permet d’apprécier la composition dramatique des reliefs qui enserrent ou protègent, on ne sait pas trop, ce peuplement sans doute longtemps coupé de la terre et tourné vers la mer.

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Leonidos depuis le début des gorges

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2. Gorges de Dafnon et monastère d'Elonis

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En quittant Leonidio par l’ouest, on se faufile dans les gorges étroites de la rivière Dafnon. Je ne me souviens pas d’avoir programmé cette route et découvre donc ce parcours excitant avec une surprise totale. Le décor, tout d’abord, est fantastique. Le lit de la rivière, en contrebas, est noyé sous la végétation qui profite de l’assèchement pour grignoter du terrain. Les pentes raides s’encastrent dans la croûte terrestre avec brutalité. La roche nue ne laisse pas le moindre accotement et semble pousser la route.

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De l’autre côté, des protections ridicules évoquent la chute plus qu’elles n’en protègent. Par endroits, les falaises pointues semblent elles aussi pousser en direction de la route, que je trace à bon rythme, comme si elle disparaissait dans mon dos sous l’effet de la compression du relief, comme un compacteur géologique à ordures. Bon, en réalité, c’est aussi que la route est extrêmement fun. Les virages sont toujours différents et, en raison du relief très accidenté et peu permissif, le dessin lui-même a quelque chose d’un peu sec et brutal. Une route très dangereuse si l’on est optimiste avec la poignée !

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La route en vidéo :


Au détour d’un virage, j’aperçois un bâtiment encastré dans la falaise en face. Manifestement un bâtiment religieux. Inséré dans la roche à 60 mètres du sol (c’est-à-dire du début de la pente sous la falaise), le monastère d’Elonis est une surprise dans la surprise. Je poursuis ma route tortueuse jusqu’à l’intersection qui y mène — sans hésiter, j’interromps mon petit chrono.

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Je m’avance sur un parking vide. Le moteur s’éteint et tombe un silence absolu. La porte du monastère est ouverte, pas de guichet en vue. Je pose l’équipement en me demandant si c’est ouvert au public, puis j’entre. Personne à l’intérieur non plus. Progressant discrètement, je descends le large escalier en pierre beige qui accole la falaise. À mesure que je descends, le monastère silencieux se découvre à ma vue. Entre crainte que l’établissement ne soit fermé et vague sentiment de méditation, je ne sais pas trop pourquoi je marche sur la pointe des pieds. Arrivé sur la “place” d’accueil, je regarde à droite, à gauche. Sur une sorte de terrasse en pierre, à une douzaine de mètres à ma gauche, un vieil homme est assis sur une chaise. En cardigan et pantalon de ville, il n’est manifestement pas un moine. Les quelques enseignes indicatrices de souvenirs ou des toilettes chapeautent des pièces sombres ou des portes fermées. Je m’avance en direction du vieil homme, il m’aperçoit sans bouger. Epaulé par le silence, je ne dis rien mais lui fais signe vers le monastère. Il hoche simplement de la tête.

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Derrière lui, la vue surplombe les gorges. Le paysage est magnifique. Le monastère se divise, comme souvent, en un logement pour les moines et un lieu de culte. Toujours personne. Je déambule dans ce lieu isolé, étrangement intimiste avec ses éléments de charpente en bois, ses pavés, ses recoins. Le bois sombre contraste sur les murs d'un blanc immaculé. Bancs et plantes signent un environnement très accueillant, bien loin du monastère catholique austère qui nous est plus familier. La chapelle est ouverte et exhibe ses magnifiques ouvrages de bois et d'or. Je n'ose bousculer la quiétude, toujours incertain de mon bon droit. L'immobilité qui repose partout comme un drap de coton calme mon esprit. Une fois de plus, je souhaite vivre dans un monastère.

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Poursuivant la route des gorges, on grimpe jusqu'à un col avant de redescendre sur Geraki, au pied des montagnes. Le bitume, bien que lisse, exhibe pas mal de signes d'usure. Des morceaux sont coupés nets, des cassures précèdent des bosses, des raccords crades font rebondir la meule — de nouveau ce petit côté off-road. Quelques épingles brisent le rythme "poignée en coin" auquel invite cette large et fluide bande de bitume. Seul au monde, mais toujours prudent, je trace le sourire aux lèvres.

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À Geraki, sous une couverture nuageuse que je surveille régulièrement, je m'arrête un moment. J'ai besoin de deux choses : premièrement, d'un petit-déjeuner (il est 10h30), et deuzio de piles pour le micro. Je marche quelques dizaines de mètres le long de commerces fermés ou abandonnées. Ni café, ni boulangerie en vue. En repartant, je suis plus chanceux avec les piles car 30 mètres plus haut sur la route je tombe sur une minuscule supérette. Je remarque ce que j'ai observé à plusieurs reprises, à savoir que les supérettes sont souvent à peine à moitié stockées. Là où nous sommes habitués à des rayons pleins, ici les étalages sont très aérés. Au lieu de 20 paquets de pâtes, on n'en voit que 6 ou 7. Chaque catégorie de produit est séparée de ses voisins par un espace. Je trouve mes piles et prends un des trois paquets disponibles.

Je pousse un peu à travers les basses collines qui longent les montagnes, jusqu’à Agios Dimitrios Zarakos, où je m’arrête enfin pour le petit-déjeuner. Attablé en terrasse devant la grand’rue, je me coule dans la vie locale. La boulangerie où j’ai récupéré mon croissant fourré (le petit-déjeuner en Grèce est apparemment salé, les croissants, introuvables “nature”, ne sont pas une viennoiserie spécifiquement matinale) est aussi spartiate que la précédente : évidée, nue, les vitres vierges, à peine une petite enseigne au coin du bâtiment, et l’employée aussi sympathique. Avec les petites communes en Grèce c’est, semble-t-il, quitte ou double ; mais s’il y a de la vie, les locaux sont généralement contents de voir passer des visiteurs hors des sentiers battus.

Idem au café, ou “taverna”, peuplé d’une clientèle modeste. De là j’observe l’animation du centre. J’ai croisé très peu de motards depuis que j’ai quitté le Monténégro. Il y a pourtant ici des routes qui n’ont rien à envier à d’autres plus connues ! En revanche, le scooter ou la mobylette, beaucoup plus économiques, sont omniprésents. Mais ce sont surtout les retraités ou les agriculteurs que je vois à scooter (hors des grandes-villes il n’y a guère de jeunes, de toute façon). La quasi-totalité des scooters et 50 cc semblent équipée de pots modifiés qui, au lieu de rendre ces engins encore plus insupportables comme chez nous, leur donnent un son rauque et bas, infiniment moins désagréable. À plusieurs reprises j’ai cru entendre une moto, peut-être un voyageur !, et vu débouler un vieux en scooter, sans gants, sans casque, cigarette au bec et les yeux plissés dans le vent. Inutile de préciser que je n’ai pas constaté de culture du rupteur non plus. Ni de respect zélé pour la plus élémentaire sécurité : des quelques mecs en sportive que j’ai croisés, aucun n’avait d’équipement. Quand je devais baisser la visière pour protéger mes yeux du vent malgré mes lunettes, les riders locaux roulaient nonchalamment les yeux grands ouverts.

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On est reparti !




3. Kyparissi

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Pour atteindre Kyparissi, sur la côte du Golfe Argolique, il faut faire un détour tant le relief est impraticable. À partir de Charakas, la route est répertoriée pour son danger et ses vues. Aucun de ces deux aspects ne déçoit. Après quelques kilomètres plein gaz sur le bitume qui découpe la vallée formée par deux crêtes rocheuses, je virevolte en direction de la côte. Charakas est établie légèrement en retrait de la seule trouée permettant de s’aventurer devant les falaises tombant pratiquement à pic dans la mer.

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La route se serre contre la paroi et surplombe une pente raide dont on est à peine protégé, comme de coutume. Pour ajouter du piquant, tandis qu’on descend on peut admirer et le paysage, et la dangerosité de la route devant soi. D’ailleurs, la route est une voie unique, de laquelle il est quasi impossible de faire un écart sans glisser ou tomber au bas de la pente. Une route somme toute réellement dangereuse qui demande toute votre attention.

La route en vidéo :


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En grand : https://i.postimg.cc/ryRk6BsF/pano1.jpg

Quelques épingles bien raides concluent l’expérience, puis on arrive à Kyparissi, que je traverse pour aller plutôt m’arrêter au village de Paralia, au bord de l’eau.

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Je descends l'étroite et sinueuse rue à sens unique. Contre mes épaules, les maisons blanches défilent, avec ici des fleurs aux fenêtres, là une toute petite terrasse mignonne, ou des volets bleus. N'ayant pas du tout le temps de faire un tour dans les Cyclades comme je l'avais envisagé au début, je trouve finalement par hasard un village exhibant les fameux murs blancs aux volets bleus. Je déboule sur le quai, et me gare. Au bout de la rue, donnant sur le Golfe, il y a un petit café terrasse, où sont attablées trois personnes. Je regarde autour de moi — c'est tout. De nouveau, je profite d'une fréquentation minimale. Le calme est imperturbable, sinon par le flux et reflux régulier de la mer.

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Au bout de la plage, un trottoir pavé poursuit devant quelques maisons. Chemin, terrasse, c'est un peu les deux à la fois entre perron et muret de pierre. Un homme, sans doute retraité ou presque, en polo et mocassins, boit un café à sa table. Je demande si le passage est public, il me répond que non, mais c'est le seul, allez-y. Cet endroit est si calme, si isolé, dis-je. Oui, c'est un endroit parfait pour venir se reposer et se vider la tête, me répond-il. Le trottoir aboutit une dizaine de mètres plus loin, au-delà desquels il n'y a que la mer, et la côte rocheuse. De là je vois la minuscule plage où je suis arrivé, les maisons blanches, dominées par les falaises en arrière-plan. La tranquillité cotonneuse m'inspire immédiatement le respect, et je marche avec précaution entre les rues proches, comme par crainte de troubler ce qui protège cet endroit de l'hystérie mondiale.

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Un peu plus loin, une bien plus grande plage et le village attenant de Mitropoli, dont les aménités plus fournies détournent, j'espère, la plus grande part de touristes et préservent ainsi l'intimité de Paralia. Le village, à la différence de la plupart des autres que j'ai traversés, est immaculé. Les rues sont propres et les maisons impeccables.

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Je ne poursuis pas plus avant mon exploration, car j'ignore qu'après Mitropoli se trouve quelque chose de curieux : une belle route à double sens de circulation, neuve, qui longe la côte vers le nord sur quelques kilomètres, et ne mène... nulle part. Surnommée "Forgotten Highway" (la nationale oubliée), cette route n'est pas du tout adaptée au très rare trafic qui serait susceptible de l'emprunter. Plusieurs kilomètres plus loin, il n'y a que la minuscule localité de Fokiano (un café, trois maisons) qui dispose déjà d'une route d'accès. Une magnifique route de côte, qui mène littéralement au néant. J'adore l'idée.

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L’étrange route oubliée, qui part de Paralia pour aboutir nulle part




4. Monemvasia

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La route pour Metamorfosi, plus au sud, revient vers l'intérieur des terres en serpentant parmi les collines. Encore une large bande de bitume, pas de marque, pas de circulation... Bref, un circuit improvisé où je m'amuse à prendre la corde (tout en restant alerte et prudent, bien sûr). Le paysage parvient à sembler encore plus aride et isolé. Une carrière locale creuse des flancs que sillonne la route, fluide et roulante jusqu'à la descente et sa vue étendue sur la plaine en face.

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Le rocher de Monemvasia, sur la gauche

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La prochaine étape est Monemvasia. En arrivant au centre de Gefira, la petite ville côtière, je suis dirigé sur le pont de Monemvasia, en face duquel se dresse le petit et abrupte rocher auquel s'adosse ce village fortifié. Je m'avance comme toujours au plus loin, dépassant les dizaines de voitures garées, pour trouver de nouveau un parking à deux-roues littéralement en face de la porte de la muraille. Le village habité se trouve au pied de la citadelle, qui occupait une large partie du rocher, jusqu'à son sommet. Très touristique, Monemvasia fourmille de petits restaurants et de boutiques au fil de ses minuscules ruelles pavées qui possèdent un charme certain. Sur une si petite surface, on trouve quand même cinq églises et une mosquée, témoins des nombreuses occupations entre les différents empires rivaux. Contrôlés par les Romains, les Francs, les Vénitiens, les Turcs, les Grecs, ce rocher et sa population ont subi leur part d'invasions, de sièges et de bombardements.

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L'escalier de la mort

Les maisons s'imbriquent et les terrassettes s'étagent au pied de la falaise, dans une palette de tons ocres chaleureux. Un peu plus haut que la ville touristique, les rues sont plus clairsemées et l'on peut admirer les murailles encore imposantes. Fidèle à mon habitude de ne visiter que des lieux verticaux, je cherche le chemin pour grimper en haut de la falaise, pensant naïvement que là se trouve la citadelle. Crapahutant sur des murets, je traverse le haut du village et entame l'escalier pour le fort. Bordel que ça grimpe... L'escalier et les passages en pierres invitent à la prudence, mais une fois au pied du fort, la vue est superbe et la découverte intéressante. Pas mal d'éléments du fort sont en assez bon état et permettent de se faire une idée de ce qu'a pu être l'échelle de cette impressionnante construction.

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Un couloir équipé de son système de canalisation

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Je dis "au pied du fort", car je comprends assez vite qu'en réalité, la citadelle s'étend jusqu'au sommet du rocher, et que celui-ci est encore bien plus haut que la falaise. J'entame la seconde grimpette, profitant d'une fréquentation qui décline rapidement à mesure que la montée s'allonge. Pas beaucoup de courageux pour marcher 30 minutes jusqu'au sommet ! À mi-hauteur, j'arrive sur l'église Saint-Sophie, la 6e église et la plus élevée, surplombant l'immense mer en contrebas. Jouissant d'un remarquable état de conservation pour ses presque 900 ans, elle fut tour à tour chrétienne puis musulmane, comme en témoigne l'ornement hybride sur les murs intérieurs.

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L'église Sainte-Sophie

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L'église Sainte-Sophie depuis le sommet de la citadelle. Les ruines sont visibles partout sur le plateau

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Le dernier vestige de ce qui a dû être une tour ou un fort d'observation

Des ruines disséminées partout le long du chemin balisé indiquent qu'effectivement, tout le plateau au sommet fut aménagé pour la défense du territoire. Il reste une arche debout au plus haut point, dernier vigile encore dressé, bien longtemps après la fin de sa mission multicentenaire. Je profite du silence et de la solitude pour méditer quelques instants.

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Panorama depuis le sommet


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Idem, côté nord


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Gefira depuis le sommet


Tandis que, sur le parking, je me prépare à repartir, un Français remarque ma plaque et m'interpelle. Motard lui aussi, il est en voyage avec sa femme, mais en car. On parle moto, voyage, puis nous nous séparons en nous souhaitant bonne route.

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En fait de route, je reprends la direction de Paralia Astros par la nationale fluide et roulante, malheureusement saupoudrée d'une petite pluie. Rien qui m'empêche de m'amuser, cela dit. Pendant l'heure qui suit, elle joue à cache-cache, dans un dernier et piètre effort pour gâcher mon humeur : c'est en effet la dernière manifestation de la pluie (enfin !) jusqu'à mon départ de la Grèce. La route ininterrompue, encadrée de longs reliefs parfois rocheux, parfois boisés, évoque un peu les Rocheuses. Le Péloponnèse n'est pas avare de grands espaces et de routes infinies. Je découpe la plaine sur un 90-100 constant jusqu'à m'arrêter à un roadside café pour une recharge de sucre et de boisson chaude.

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Les choses simples

Peinant à finir ma part de gâteau turc (l'établissement est tenu par deux Turcs, visiblement), dense et riche, je sens le frisson de bonne fatigue couler le long de mon dos. Les nuages, à cet instant, se fendent au-dessus de moi et les rayons divins du soleil m'éclaboussent de leur chaleur. Petit instant de perfection... Quelques respirations plus tard, un car déboule et en sortent des touristes. Pianotant sur mon GPS, j'aperçois du coin de l'oeil quelqu'un s'attabler à côté : le bonhomme rencontré à Monemvasia !

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La suite de la route creuse de temps à autre entre les montagnes : la roche à vif, dans la lumière de l'après-midi finissant, diffuse un ocre vibrant. Tout le paysage se dore sous mes yeux à mesure que je descends vers Paralia Astros, écartant définitivement la pluie de la suite de mon voyage. Il ne fait pas de doute que le Péloponnèse répond à toutes mes attentes. Heure après heure de route, les courbes deviennent instinctives, la motion naturelle, et le temps se distend, dilué dans les distances qui s'échelonnent jour après jour...

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lna
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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par lna »

Quel plaisir de te lire, c'est inspirant !
Allez hop, la suite SVP... :popcorn

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Qohen
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Jour 14 | Gýthio - Porto Kagio - Kardamyli - Mikri Mantinea

Message par Qohen »

La suite arrive ! :mrgreen:
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1. Gýthio

Je quitte Paralio Astros sous les meilleures auspices : le ciel vibre d'un bleu infini. Aujourd'hui j'atteins la pointe sud de la Grèce continentale, extrémité de mon voyage. Le cœur léger, je roule en commençant à penser à la bascule. Ce soir, il sera temps de songer au retour.

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La trace me fait revenir vers l'intérieur du Péloponnèse, en direction de Tripoli, afin d'attraper la nationale 39 qui s'étire jusqu'au sud de la péninsule. Comme à mon habitude, j'ai la route pour moi. Je m'installe dans un bon rythme de croisière, bercé par les larges courbes et les montagnes de part et d'autre, à peine ralenti par les rares communes qui ponctuent la 39. Elle est si fluide qu'il est impossible de rouler moins vite qu'à 100, et souvent au-dessus. J'effleure le guidon ; les courbes sont des invitations ; la route un tapis rouge. La palette de couleurs, jusque là si riche et variée, se réduit au gris du bitume, au bleu du ciel, au vert des reliefs. De cette économie esthétique naît une certaine jouissance de ce qu'un paysage indéterminé laisse à l'imagination. Ce que j'aime dans le ciel infini, c'est tout ce qu'on peut imaginer poindre à l'horizon, sous le dégradé blanchâtre de l'air épaissi. Similairement, à la vue de la route sinuant loin devant moi, sans repère urbain, mon imagination est libre d'y voir une route des possibles où les distances se diluent car il n'est plus de repères pour les mesurer.

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Je roule ainsi une heure ou plus, filant, insaisissable, dans les limbes de ma contemplation, quand j'approche de Sparte avec en fond la chaîne majestueuse du Taygète. Je réserve à Sparte le même traitement que les autres : je la contourne et poursuis ma route plein sud, toujours plein sud. Quelques roches brisent la continuité par touches d'une géologie devenue déjà familière. En milieu de matinée, j'arrive dans la petite ville côtière de Gýthio.

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Gýthio s'étend sur les bords du Golfe Laconien. De taille modeste mais jouissant d'un certain charme, cette petite ville se distingue par son rôle historique de port de Sparte. D'après la mythologie, c'est de la minuscule presqu'île qui devance le front de mer, Kranái, qu'auraient embarqué Hélène et Pâris, déclenchant ainsi la Guerre de Troie. Pour ma part, je me contenterai d'un petit-déjeuner, presque déjeuner à cette heure. Coupant la poire en deux, je commande des pancakes typiquement brunch au café-restaurant "La Bohème", situé sur le front de mer mais un peu éloigné du centre.

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D'où a commencé le conflit fondateur de la culture occidentale

J'ai remarqué que pas mal de mots et de noms français sont repris sur des enseignes, comme nous reprenons (bêtement) le vocabulaire anglo-saxon. Ainsi il n'est pas rare de voir "boulangerie", "artisanal", ou "Le Bistrot", sur les devantures. De même, les instructions à destination des étrangers sont souvent en anglais et français, voire en français d'abord, anglais ensuite. Un changement radical avec l'Adriatique qui s'adresse d'abord aux Allemands, puis au anglophones, et enfin éventuellement aux Italiens. La France doit encore jouir, en Grèce, d'un vieux prestige dont je suppose qu'il survit grâce à la relative ignorance de ce qu'il se passe dans les coulisses de l'Union Européenne.

Les pancakes arrivent noyés dans la pâte chocolatée. Si je mange peu en voyage, je me rattrape en mangeant très mal, et surtout très sucré (bien que je ne mange jamais de sucre en temps normal). Eh, ce sont les vacances : si je ne me laisse pas aller à mes vices, quand le ferai-je ? Je me coule dans un confort repu, sans chercher à trop en faire : il fait beau, il fait bon, je suis bien installé, que dire de plus ?

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2. Porto Kagio et le phare de Ténare

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Baigné par la chaleur qui m'avait négligé depuis l'Adriatique, je prends la direction de la pointe en longeant la côte au plus près, pour un maximum de 1) vues, 2) virolos, 3) kif. Je ne tarde pas à être servi. Plus on descend, plus l'occupation humaine se raréfie. La fréquentation touristique, ici et à cette époque de l'année, est complètement émiettée. Les grands axes ont disparu au profit de petites routes qui s'en laissent dicter par les bosselures de la terre. De nouveau donc, ce circuit routier est à moi.

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Chaque contournement de colline immergée en dévoile une nouvelle rangée au loin. Leur crête descendant peu à peu suggère, sans le confirmer, qu'on s'approche du bout, mais à chaque contournement... Dans ces circonstances, ce sentiment d'avancer à mesure que la destination s'éloigne (ou l'inverse) est grisant. J'ai envie d'atteindre le point que je poursuis depuis deux semaines, mais évidemment, j'ai aussi envie de ne pas l'atteindre. La route est si bonne que je le chasse à grands coups de gaz, mais je suis soulagé de voir les flancs de montagne plongeant dans la mer, encore et encore.

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La route défile sous mes roues, fatiguée, poncée par le soleil. Les rochers délimitent le bord, quelques maisons surgissent ça et là ; les buissons secs me laissent entrevoir la mer par intermittence. Pas de signalisation, pas de marquage : un petit côté informel. Rien que la route qui se dérobe encore et encore sous un ciel immaculé. Passé Kokkala, les collines exhibent leurs taillades routières. De nombreuses ruines de tours, semble-t-il, pointillent les sommets. La route devient plus étroite et change encore plus fréquemment d'élévation, comme une petite montagne russe. Peu à peu s'installe le mélange d'appréhension et d'excitation à l'approche de la destination.

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Quand enfin j'aperçois la mer des deux côtés de la terre... Le sentiment d'être arrivé au bout du bout. Ce n'est que la Grèce, bien sûr, mais quand l'horizon est impeccablement diffus, le ciel sans taches, c'est comme si le reste du monde n'existait pas. Comme si... Quelques lacets plus bas, je mets les roues dans la péninsule de la péninsule, à Porto Kagio, que j'hésite à appeler village tellement c'est réduit. En tous cas : c'est calme. Je finis de descendre tranquillement, dépasse la file de voitures et me gare à l'ombre, devant le bar, derrière la mince plage de galets. Entre deux gorgées de mousse, j'apprécie le silence et joue avec d'être si loin. De chez moi, mais aussi de toute "ville".

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J'ai du mal à imaginer qu'un endroit si isolé ait abrité plusieurs châteaux successifs et fut un port d'embarquement pour l'Egypte lors de la Seconde Guerre mondiale. Rafraîchi, j'enquille les derniers kilomètres pour rejoindre le dernier village de Grèce continentale, Kokkinogia, fort de 9 habitants (en 2011), et par-delà, le vrai bout du bout, le phare de Ténare. Il n'y a plus rien à part des chèvres et quelques églises. L'eau est d'un bleu numérique.

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À la fin de la route, après une dernière descente, je trouve à me garer sur le parking qui accueille une petite quinzaine de véhicules. À l'abri d'un camping-car, mais pas vraiment préoccupé de pudeur, je me change pour la randonnée jusqu'au phare.

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Il faut encore une demi-heure de marche sur un chemin bien caillouteux pour atteindre le cap de Ténare, ou cap Matapan, et son phare gris. Tout le long de la marche me revient régulièrement en tête que le retour est à quelques minutes de distance. Je marche bêtement vite, pressé d'arriver sans vouloir y être. La mer est immense en face de moi. La terre, le continent, les merveilles et la perdition, dans mon dos. Le phare se dresse dans son austère simplicité. Pas de cérémonie, pas de fioritures, juste quelques personnes, le silence et la mer indifférente qui s'ébroue plaisamment. J'y suis.

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Dans mon dos, la mer ; en face de moi... toute l'Europe

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Kokkinogia depuis le chemin

Puis il est temps de rentrer.



3. Kardamyli et Mikri Mantinea

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La route côté ouest se dessine comme le rebours de celle du côté est. Le relief, plus plat en tombant dans l’eau, ouvre davantage la visibilité. La pente des collines et falaises s’adoucit en un tapis vert sec qui se prolonge puis disparaît dans la mer. Ma disposition mentale change un peu, car je regarde dorénavant vers le nord. L’inconnu qui me reste à traverser se mesure maintenant à son écart, toujours plus réduit, par rapport au connu qui m’attend. Si la route s’avère aussi excellente que ce matin, je ne peux totalement réprimer le sentiment discret que chaque kilomètre défile dans un compte à rebours. Si j’avais eu l’esprit insouciant, j’aurais peut-être pris le temps de tracer la piste jusqu’à l’église du prophète Elias, sise sur la butte raide dressée au dos de Sotiras, et profité de la vue imprenable sur cette partie de la péninsule.

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Je profite encore, virage après virage, de cette route sinueuse dessinant le contour d’une côte que j’aimerais ne jamais voir finir. À l’heure du goûter, je me gare à Kardamyli, élue au hasard sur la carte du GPS. La grand’rue traverse cette toute petite commune qui propose surtout des cafés et restaurants, bien cachés car les rues sont étroites et les trottoirs encore plus. Je ne constate certainement pas l’aspect moribond de la Grèce intérieure, mais plutôt une forme de dolce vita, même si la saison touristique touche bien à sa fin. Bien que ça et là sur le bord de la route je vis encore des poubelles pleines et des amoncellements de détritus, ici les rues sont propres. Je m’attable à un café, sur une des rares terrasses en vue, adossé au mur de pierres, et j’observe le passage de la vie locale. Les petits balcons en fer forgé, spacieux juste pour une chaise et une petite table, ont quelque chose de presque italien dans leur austérité cossue. Au lieu d’être reclus au fond de leurs boutiques, les commerçants passent le temps sur le perron ou au café d’en face. L’aménagement urbain n’est pas récent et porte les traces de rafistolements et de raccords nombreux, mais le soin global dont respire cette rue me fait lui trouver beaucoup d’attrait.

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J’y serais bien resté pour la nuit, mais il n’y a rien de bon marché à proximité ; je reprends donc la route pour finir la journée par une dernière heure de virolos entre et sur les nervures de la croûte terrestre, en direction de Kalamata, au fond du Golfe de Messénie. Je bifurque un peu avant Mikri Mantinae sur une route de chèvre étroite et sinueuse, en direction de la plage.

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La localisation de mon hébergement est imprécise, aucune indication sur les portails, la rue est en pente, je galère à faire des demi-tours dans des chemins de terre, je commence à m’agacer. L’hôte m’appelle, il sera là dans 15 minutes, il essaie de me donner des directions. Je perds patience car je suis un peu fatigué et la rue en pente est frustrante. C’est un coin paumé, rien de surprenant. Pour patienter, je descends à la plage, 100 mètres plus bas, et profite — enfin ! — de mon premier vrai coucher de soleil depuis le début. Oui, chaque soir j’ai pensé au coucher du soleil, sans pouvoir m’en satisfaire pour cause de nuages, d’arrivée trop tardive, etc. Finalement, ce délai imprévu m’invite à admirer le crépuscule et à me calmer.

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Cette fofolle ne pouvait pas s'empêcher de faire son show

Finalement je remonte et m’engage dans la seule allée que j’avais négligée, et trouve le bon portail. Le type est super sympa, j’ai déjà oublié mon agacement puéril, et surtout, je suis accueilli par deux chiennes qui me font la fête et qui, vivant sur la propriété, viendront traîner sur ma terrasse toute la soirée. Douché, posé, je peux enfin profiter de la nuit qui tombe comme une feuille morte, depuis la pente de la colline, le golfe étalé devant moi. La lente chute du silence n’est troublée que par les chiens qui s’excitent avec ceux des voisins, et par les chats qui visitent discrètement les terrasses des uns et des autres.

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Quelques aperçus du style architectural dans cette partie de la Grèce, dont je suis maintenant fan :

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Jour 15 | Col de Langada - Sparte - Arkoudi - Missolonghi

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1. Gorges de Langada

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Tandis que le ciel jaune imbibe mon champ de vision depuis la terrasse, vers 6h30, il m’apparaît clairement que les jours disponibles s’amenuisent vite. Je commence à calculer sérieusement mon emploi du temps, et hier soir j’ai enfin réservé mon billet sur le ferry pour l’Italie, scellant ainsi un premier impératif calendaire, avant celui du retour au turbin. Je charge la meule dans la fraîcheur matinale, à l’ombre diffuse des arbres qui ponctuent la propriété. Les chiens sont déjà à la fête, et pour ne pas les exciter, j’ouvre le portail puis sors la moto en poussette. Je ne la démarre qu’une fois le portail refermé. Je pioche mon calepin et programme la première étape de la journée, qui m’amènera finalement à Sparte.

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Je redescends vers la plage pour longer la côte du Golfe au fil des quelques villages balnéaires, sur une route pratiquement vide (à part un Cayenne qui trouve que 60 km/h en agglo, c’est trop lent), peuplée essentiellement de joggers et des quelques commerces qui ouvrent. J’aime l’atmosphère de la vie qui reprend, des cafés qui se mettent en place, quand le ciel est clair mais la terre encore grise-bleue. Et dans cette ambiance, j’aime tout particulièrement être déjà en route, avoir pris cette petite avance sur la journée pour traverser le monde juste avant que celui-ci ne s’éveille tout à fait. C’est pour ça que je me lève très tôt lorsque je voyage, en dépit des journées longues et souvent fatigantes. Sortir de son petit univers géographique implique aussi, à mon sens, de sortir des ornières horaires de la vie cadencée, de jeter un œil dans les coulisses de l’existence.

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En grand : https://i.postimg.cc/cJjgGJ3T/pano2.jpg
Vue de l'entrée des gorges depuis Kalamata


Avant Kalamata je bifurque à angle droit vers l’ouest et les montagnes qui me séparent de Sparte, la chaîne du Taygète longée la veille. Je traverse des villages ruraux en montant vers les gorges de Langada, superbe décor pour la route de jeu qui approche. Étroites et touffues, ces gorges sont une parenthèse sauvage entre les villes de Kalamata et de Sparte. Seule la route dépouillée incarne un lien ténu au milieu de l’écrin de verdure qui presse de tous côtés. Quel plaisir de rouler chaque jour sur un circuit différent ! Comme toujours, personne, donc la route pour moi. Le bitume assez usé et les nombreuses chutes de pierres demandent un peu d'attention. Le soleil est encore bas à cette heure, je plonge donc dans le creuset ombragé. En face de moi, les flancs baignés de lumière comme un décor de cinéma sous les projecteurs, découpant nettement le ciel impeccable. Passer de l'ombre à la lumière se ressent tel un nouveau matin. Les reliefs au loin, bleutés sous le ciel pur, donnent l'impression d'être un milieu d'un nulle part immense délimité seulement par des lignes de fuites évocatrices d'autant d'autres lointains à explorer.

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Juste après les gorges, la route s’élève au sommet d’une crête, et la raréfaction de la forêt laisse apprécier la vue sur les crêtes adjacentes. De mon guidon j’aperçois les bosses successives, comme le dos d’un énorme monstre tendu sur sa colonne vertébrale, s’estomper au loin. La température a baissé. En descendant du col de Langada, la forêt revient, tout comme la roche nue. Les monts toisonnants qui bouchent l’horizon me font penser que je suis quelque part dans nos Alpes, ou dans les grandes forêts américaines. Ce paysage à la fois boisé et sec change si vite de configuration que j’ai l’impression de traverser un nouveau biome toutes les 20 minutes.

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En grand : https://i.postimg.cc/J4zccsRd/pano1.jpg

De retour au fond des gorges, la roche raide et dure découpe la vue. La route se faufile à flanc. La vue est parfois spectaculaire, lorsque la route creuse la roche, ou que celle-ci pend de tout son énorme poids à 2 mètres au-dessus de mon casque. La sauvagerie de ce décor a de quoi dépayser à bon marché, car on est si proche de Sparte. Quand arrivent les derniers lacets, les piliers telluriques s’ouvrent sur la vallée en contrebas, comme un géant rend sa liberté à une proie.

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2. Sparte

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Aussitôt sorti des roches, les maisons reparaissent au bord de la route. La descente fluide m'amène en peu de temps jusqu'au bord de Sparte, que j'avais boudée la veille. Aujourd'hui toutefois, je ne cherche pas à faire cadrer la "nouvelle" Sparte avec la cité antique qui reste mon repère. J'y entre comme dans n'importe quelle autre ville, en rejetant toute fausse complicité entre deux époques qui n'ont rien en commun. L'ancienne Lacédémone était une autre ville, avec laquelle celle-ci ne partage qu'une situation géographique, un nom, et quelques ruines lavées par les siècles.

J'entre à Sparte par une avenue avec terre-plein et bordée d'arbres. À première vue, Sparte a moins l'air d'une banlieue paupérisée que les autres villes croisées jusqu'ici, ce qui conforte mon impression (possiblement tout à fait erronée) que le Péloponnèse se porte économiquement et moralement un peu mieux que le reste du pays. La preuve : j'y croise la moitié des très rares motos locales aperçues lors de mon passage. J'apprécie que les immeubles ne dépassent pas trois ou quatre étages, et que malgré des signes évidents trahissant l'âge des bâtiments, ceux-ci sont dans l'ensemble propres et entretenus ; tout comme les routes. Lorsque se découvre une place sur ma droite, je m'enfiche sur le parking moto adjacent (parkings toujours idéalement placés) et m'enquiers d'une terrasse pour le petit-déjeuner. Rien de sucré n'étant disponible, je tente le panini au saumon à 10h du matin, qui finalement passe très bien tandis que je réfléchis à la suite du trajet, en captant un peu l'ambiance locale. Pour une "vraie" ville, Sparte s'avère assez agréable. Je pense que l'absence des nuisances habituelles y est pour beaucoup : personne qui hurle au téléphone, pas de bandes qui beuglent au lieu de parler, pas de scooter déchicané, etc.

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Pépette se repose en bonne compagnie

Le plan initial prévoyait du tout-terrain et beaucoup de route de montagne autour du Mont Erymanthe, au milieu du Péloponnèse. Deux circonstances m'y font malheureusement renoncer : d'une part, les jours de pluie en début de semaine, qui ont sans doute bien abîmé les pistes, et je ne suis pas équipé pour affronter du off-road solide, et d'autre part le temps qu'il me reste. Je regarde alors du côté de l'observatoire du Mont Helmos**, dont la route semble dantesque — à pic, dangereuse, raide — et le paysage lunaire, aride, surplombant tout le monde visible. Mon goût de l'altitude me fait vraiment hésiter, mais outre l'énorme détour que cela implique, je crains qu'il fasse vraiment trop froid au sommet. Et le froid, comme j'en aurai une fois de plus la confirmation bientôt, et vraiment LE désagrément qui est capable de me gâcher la route pendant plusieurs jours. Raisonnablement, plus enclin à profiter du soleil tant qu'il brille, je fais le choix de remonter la péninsule par la côte ouest, d'enfiler les bornes en mode tranquille. Comme disait mon prof de philo en khâgne : vivre, c'est choisir, et choisir, c'est renoncer !

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La route de l'observatoire :love2




3. Côte ouest

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Le soleil commence à taper fort, comme il fait depuis l'Adriatique. Il ne fait pas tellement chaud, autour de 22-25°C en général, par contre le soleil cogne vite. Mais loin de moi l'idée même de me plaindre d'être enveloppé d'une douce chaleur tandis que je file vers la mer. Cette journée sera une nouvelle journée à visages multiples. Après les gorges et les épingles de montagne, c'est la grande autobahn, neuve, propre, lisse, presque déserte, qui monte vers Megalopolis avant de bifurquer vers la côte ouest.

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La transition vers la nationale (où chacun roule aux mêmes vitesses, finalement) me permet d'apprécier la transition vers une végétation de nouveau méridionale. Par endroits, les aiguilles de pin jonchent le bas-côté et l'odeur prend au nez. J'associe immédiatement l'odeur des pins du sud au Portugal de mon enfance. La route a des airs de route des vacances, les bouchons en moins. Ça roule bien, c'est plat, c'est interminable, je traverse bled après bled. J'ai ainsi l'occasion de constater un peu plus les stigmates de la crise économique qui frappe certains plus que d'autres. En traversant Pyrgos notamment : rues trouées, trottoirs crevés par la végétation, constructions abandonnées, locaux commerciaux vides, et partout ce sentiment plus ou moins fort de rafistolage.

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Pyrgos n'est pas très réjouissante à traverser

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On sent qu'en dépit des quelques efforts, le délabrement s'installe peu à peu

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Les feux des feux

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Sans marquages, ces intersections s'apparentent plutôt à des pistes de décollage, et les usagers adoptent les vitesses correspondantes

Je retrouve également les larges portions de nationale et leurs vitesses... traditionnelles. À 110, je me fais parfois dépasser à fond de balle. Coupant régulièrement ces portions, d'immenses intersections, souvent sans marquage, plantées de feux tricolores. C'est dans ces moments qu'on surveille de très, très près ses rétros quand on est arrêté au feu. Ça arrive si vite qu'à ces intersections, des feux orange clignotants sont placés 250 mètres en amont pour prévenir du passage prochain au rouge. Fort heureusement, la circulation sporadique aide à naviguer dans ces pièges routiers.

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J'élis Arkoudi pour mon point de chute désaltératif au bord de la plage. La brousse, les palmiers, les petits trottoirs pavés m'accueillent jusqu'au centre de la petite commune toujours apprêtée pour la saison touristique — bien qu'il n'y ait pratiquement pas de touriste en vue. Bosquets et parasols en fleur me sont une vue agréable en ce milieu de journée assumée balnéaire, en particulier lorsque je suis seul à en profiter ! Similairement, les bancs sur la placette, les maisons colorées, les stores étendus contribuent à l'atmosphère accueillante. Tout à fait le genre d'endroit où je n'irai pas foutre les pieds en pleine saison.

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Le bar (à l'étage) depuis le restau sur la plage.

Je m'aventure dans une petite rue en quête d'un bar avec vue, quand j'aperçois un panneau "Bar-Café Thalassa". Je suis — tourne au coin, tourne encore — l'impression de m'enfoncer dans le réseau de maisonnettes entassées. Une entrée, qui mène à un escalier, encore un tournant, puis une autre porte, et me voilà dans le bar donnant directement sur la mer, surplombant le bar du dessous et la plage sur la droite : exactement ce que j'aime. Un vieux dans le fond, un jeune sur son téléphone, je m'enfonce dans un fauteuil au bord de la terrasse. Une webradio quelconque diffuse une sorte de pop un peu lounge, mêlée de quelques classiques des années 2000. Quand j'entends The KLF***, je ris intérieurement de cette coïncidence — été, plage, bar posé, house des années 90 : une des définitions du bon temps que je partage avec un ami de lycée. Toute la subtilité de l'émotion qui me traverse à ce moment naît de la superposition du longtemps attendu (bar posé en bord de plage), du nouveau (en Grèce, au hasard) et du familier (la musique). C'est, je crois, ce qu'on appelle un heureux concours de circonstances, non ?

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Posé.





4. Missolonghi

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La cambrousseuh que j'aimeuh

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Le mont Helmos, pleine face, coiffé de l'observatoire

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En prenant un peu de distance avec la côte, je décompte les longues lignes droites sectionnant l’immense plaine cultivée jusqu’à Kato Achaia. Sur ces deux-voies réappropriées en quatre-voies improvisées, je maintiens un rythme soutenu. Il faut que je repasse le Golfe de Corinthe, au moins, pour réduire ma journée de demain et ne pas risquer de rater le ferry. Je contourne la grande ville de Patras et me dirige vers le grand pont suspendu Rion-Antirion. Ouvrage remarquable déjà par sa taille, lorsqu’on descend la colline et qu’il trône, blanc, sur le Golfe qui s’étend à ma vue, mais aussi par ses qualités techniques. Je chausse mes lunettes et lis sur Wiki que ce pont mesure 2883 mètres, dont 2252 mètres suspendus, soit à peine 150 de moins que le viaduc de Millau, avant lequel il détenait le record du monde de longueur de “tablier haubané”. Il s’illustre également par la profondeur de son ancrage (jusqu’à 65 mètres d’immersion) et sa flexibilité capable d’encaisser jusqu’à 5 mètres de déport pour résister au vents violents fréquents dans la région, dont je fais l’expérience immédiatement à la descente du pont.

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De retour sur autoroute, longeant le Golfe de Patras, je suis bousculé par des bourrasques brutales de face et de côté. J’accélère pour entrer dans les tunnels et soulager un peu les épaules. Cette journée comme à tirer sur les batteries et le vent me fatigue vite. Bon, réfléchissons à notre point de chute. Je ne connais pas ce coin de la Grèce, je n’y avais rien préparé. Au hasard je sélectionne Lefkada, sur la presqu’île de Lefkada, parmi les îles Ioniennes. Les kilomètres défilent, encore et encore, sous le soleil, au pied des montagnes, et le vent me malmène. Le long de ma route j’aperçois, sur la carte du GPS, une drôle de commune sise au milieu de l’eau. Sans hésiter je décide d’y faire une pause.

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Je remonte ensuite la lagune de Missolonghi, située entre les embouchures des fleuves Achéloos à l’ouest (sur la mer Ionienne) et Evinos à l’est (sur le Golfe de Patras), et côtoie les hauts tas de sel qu’on y récolte. Au fond de la lagune de Missolonghi, la petite commune d’Aitoliko la sépare de la lagune fermée d’Etoliko ; commune elle-même posée au milieu de l’eau et reliée à la terre par deux courts ponts opposés. Tout cet ensemble fait partie du parc national de Missolonghi-Etoliko, qui comprend en plus les îles Echinádes et plusieurs zones au nord et à l’est de la lagune. Le paysage que je traverse est celui de plaines fertiles, ponctué çà et là par des cabanes de pêcheurs délicatement posées au-delà du bord l’eau. La saliculture forme la troisième activité économique majeure du parc. Je suis donc plongé dans un nouvel environnement, présenté à une nouvelle facette de ce pays dont la variété n’a rien à envier au nôtre.

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En grand : https://i.postimg.cc/T13Qk6yr/pano5.jpg
Panorama de la lagune d'Etoliko


Je me rends compte alors que je suis assez crevé. Le vent m’a bien achevé. Je prends une pause à Aitoliko, en face de la petite lagune, au son du clocher qui tinte avec une modulation, contrairement à nos clochers à nous. C’est encore une heure et demie jusqu’à Lefkada, dont de l’autoroute, et les prix des toits sont élevés. Ils sont bizarrement élevés dans toute cette zone d’ailleurs. La journée du lendemain promet encore quelques routes à enrouler gaiement, que je préfère attaquer en forme. Je retourne donc vers Missolonghi, à quelques kilomètres, pour passer la nuit. Comme je suis fatigué, j'ai la flemme de filmer, donc pas d'images de Missolonghi, mais vous ne ratez pas grand-chose.

Sans cœur historique, Missolonghi se déploie à l’américaine, c’est-à-dire en quadrillage et sans vrai centre-ville. On est dimanche et je dois acheter quelque chose à manger. À première vue, à peu près tout est fermé. Je cherche des commerces, je n’en vois pas, je cherche le centre, je fais deux fois le tour de la ville — rien. De belles avenues, de beaux trottoirs, de beaux appartements, mais pas de supérette ! Le quadrillage sec parfois troué de lots non construits, les quelques piétons sur les trottoires qui longent l’herbe, la faible circulation et l’absence presque totale de cafés ou restaurants ouverts donne la vague impression d’une ville artificielle ou fantôme. L’ambiance est sans doute différente en semaine. Bref, je jette l’éponge et m’éloigne un peu de la ville, vers mon logement, quand je tombe par hasard sur une épicerie ouverte à 200 mètres de l’arrivée. Un vieil homme fatigué surveille ses étalages à moitié vides. La vue n’est pas réjouissante. Fatigué, je paie mes victuailles et décampe.

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La faune locale me fournit un divertissement reposant

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Il en manque un bout mais on y est bien

J’arrive enfin sur place, claqué. Mais il fait bon et l’endroit est calme. Il y a des poules et des chats. Le studio est nickel. La terrasse m’invite à me délasser de la route en sirotant mon soda à la lumière du crépuscule. Je constate une fois de plus que la crise a brutalement interrompu la construction de cette grande maison dont les studios sont loués : si le rez, le premier et le second étages sont neufs et impeccables, le troisième étage est visible à l’état de concept. Les terrasses sont faites, mais quelques tiges métalliques de béton armé dépassent de la maison décapitée, et l’escalier extérieur qui y mène est condamné. Un regard rapide s’y laisserait prendre, mais pas moi : il manque de toute évidence un tiers de la maison. Sur ce, je m'effondre avant ma dernière journée en Grèce.

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L'heure de l'apéro mérité


*https://dangerousroads.org/europe/greec ... -pass.html
**https://www.dangerousroads.org/europe/g ... elmos.html
***Duo d'électro-house bien barré des années 90 auquel je voue un culte secret

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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par Tenno »

Ouaouh, un des meilleurs CR que j'ai jamais vu

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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par ZeDab »

+1, Tenno !

Toujours aussi superbe, Maître Qohen !!!
Qohen a écrit :
25 oct. 2022, 21:19
Comme disait mon prof de philo en khâgne
ZeDab se disait bien, avec son vocabulaire choisi : « Fichtre, en plus il écrit bien ce jeune Qohen, bordel ».
Un Khâgneux dans Transalpage !

Merci à toi, on en profitera encore plus quand cette canicule automnale sera un vieux souvenir....

:respect :respect :respect
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(merci, Disderi !)

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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par dgero »

Oui, superbe C.R. :bravo
Je demanderais toutefois à "Maitre Qohen" de se mettre à la portée des gars comme moi qui ont séché les cours pour aller traquer la Biche en Mobylette et qui ne sont pas bien culturés. :lol:

J'avais mon vieux Dico Larousse à côté de moi en permanence, j'ai découvert du vocabulaire que je n'avais jamais lu dans ma presse préférée (Pif Gadjet, Joe Bar Team, exct....) :lol: :lol: :lol:
Cdt Dgero :signe :fume
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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par varaboliot »

Bien d'accord avec les deux du dessus.. :bravo
Sans oublier les petites notes d'humour.

"Un ciel lourd comme une HD en duo" :lol:
\o/
« L'homme n'est que poussière, c'est dire l'importance du plumeau. »
Alexandre Vialatte

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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par Qohen »

:lol: :lol: :lol: Merci pour vos commentaires, ça fait très plaiz !
dgero a écrit :
29 oct. 2022, 08:38
J'avais mon vieux Dico Larousse à côté de moi en permanence, j'ai découvert du vocabulaire que je n'avais jamais lu dans ma presse préférée (Pif Gadjet, Joe Bar Team, exct....) :lol: :lol: :lol:
Je te confirme que "désaltératif" n'est pas dans le dico :mrgreen: :mrgreen:

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Re: Jour 15 | Col de Langada - Sparte - Arkoudi - Missolonghi

Message par Rolibulle »

Magnifique CR voisin, un vrai bonheur, ... à déguster :respect :bravo :bravo :bravo
Qohen a écrit :
28 oct. 2022, 21:10
Je constate une fois de plus que la crise a brutalement interrompu la construction de cette grande maison dont les studios sont loués : si le rez, le premier et le second étages sont neufs et impeccables, le troisième étage est visible à l’état de concept. Les terrasses sont faites, mais quelques tiges métalliques de béton armé dépassent de la maison décapitée, et l’escalier extérieur qui y mène est condamné.
Pour ta culture perso déja fort complète au demeurant :
Dans le temps TOUTES les maisons de Yougoslavie, Macédoine, Grêce ... étaient comme cela.
La raison en était que seules les maisons FINIES étaient soumises aux impôts locaux.
Elles n'étaient donc jamais finies :mrgreen: ... mais il fallait que cela se voit 8)
\o/
Remplir ce qui est vide et Vider ce qui est plein ... c'est toute la vie !
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Re: Jour 15 | Col de Langada - Sparte - Arkoudi - Missolonghi

Message par Qohen »

Rolibulle a écrit :
30 oct. 2022, 09:26
Dans le temps TOUTES les maisons de Yougoslavie, Macédoine, Grêce ... étaient comme cela.
La raison en était que seules les maisons FINIES étaient soumises aux impôts locaux.
Elles n'étaient donc jamais finies :mrgreen: ... mais il fallait que cela se voit 8)
\o/
:lol: :lol: Je n'aurais jamais pensé à ça ! Je comprends mieux l'aspect "pas fini mais propre" :mrgreen: Merci pour l'info !

_______
J'ajoute la vidéo des gorges de Nedontas :

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Jour 16 | Karpenisi - Arta - Parga - Igoumenitsa

Message par Qohen »

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Partie 1

1. De Missolonghi à Prousos

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Les choses simples

Je me lève aux aurores. Les affaires empaquetées, je sirote un grand café sur la terrasse jusqu’à l’arrivée du grand astre. Je finis la petite vaisselle, je charge la mule, et on est parti sur les routes désertes. Je me réveille tranquillement pendant la courte portion d’autoroute, puis bifurque vers une courte gorge que je n’avais pas notée. En hauteur sied le monastère de Panagia Eelousa, qui vaut sans doute la visite. Les falaises orange de part et d’autre de la route donnent déjà le ton et annoncent les paysages à venir à la fin de la matinée. En Adriatique et en Grèce, pour qui aime les méandres géographiques et routiers, les montagnes, gorges, falaises ne sont jamais loin et font des Balkans un vrai paradis pour la moto.

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Le monastère de Paragia Eleousa

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Sur la petite plaine fertile insérée entre ces reliefs et les suivants, je longe, de loin, le lac Limni Trichonida. Sur la route, je retrouve l’atmosphère plus rurale du nord de la Grèce. Le dégradé d’ambiance s’accentue à mesure que la route monte vers le village de Kallithea. Le bitume s’amincit et se dégrade ; les petites maisons secondées de tracteurs se multiplient. Mon attention est sans cesse divisée entre la vue sur le lac, gênée par les buissons, et la route fluide mais guère propre : cailloux, chiens, affaissements, effondrement de chaussée, épingles inattendues… Petits bleds croulants, ruelles, montées raides sur bitume/béton rafistolé, je me demande si TomTom me dirige sur une rue ou une allée privée (TomTom et son idée du raccourci). Je manœuvre entre les nids-de-poule façon gymkhana. Je rattrape la route principale qui descend mollement vers la vallée, m’enfonçant toujours plus dans le massif.

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Bonne surprise en sortie de virage

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S'attendre à tout, épisode 32

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Je me dirige vers Prousos, d’où débute la route vers Karpenisi réputée très dangereuse*. Depuis Kallithea, la route suit le fond d’une étroite “vallée”, multipliant les gauche-droite dynamiques. Elle longe une petite rivière au fil d’un tracé sinueux très joueur. Le méandre s’étire en longues courbes avec bonne visibilité, encadré d’arbres dégradant toutes les couleurs de l’automne. Le bitume est propre et les petits changements d’élévation, bosses et creux ajoutent à l’aspect circuit (une habitude en Grèce !) et me rappellent l’excellente CM-2106 en Espagne. La Transalp sautille sur les raccords de bitume et répond agilement aux changements d’inclinaison. Zigzaguer entre la caillasse, les trous, les glissières pétées, en cherchant la trajectoire optimale, devient un jeu. Plus je monte et plus la température, elle, baisse. Le ciel est d’un gris poussif, mais je ne pense pas qu’il pleuvra. Quelques épingles plus haut, les flancs se dénudent et évoquent une bien haute plus altitude que celle à laquelle je me trouve. La pente est si lisse et apparemment friable qu’à tout moment on pourrait craindre un glissement qui viendrait bloquer la route. De l'autre côté, le moindre virage un peu optimiste et c’est la chute immédiate.

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Une fois passé ce petit col, la route descend vers Prousos en longeant la crête, offrant un parfait terrain de jeu agrémenté d’une vue dégagée sur les montagnes à perte de vue. Je travaille le frein moteur pour soulager un peu les étriers et les durites, qui commencent à chauffer. Les sapins sombres m’entourent. Je suis littéralement au milieu du massif. Je vois indiqué Prousos, qui est si petit, clairsemé et étalé le long de la route étroite que je me demande où trouver le “centre”. Et j’ai fort peu envie de faire des demi-tours sur des pentes à 15% ! L’autre problème, c’est la vue sur la vallée qui m’attend et tend à me déconcentrer… Je tombe enfin sur un café-restaurant adossé au vide et donnant directement sur ladite vallée. Je m’installe au comptoir en bois posé sur le garde-fou, directement en face du panorama. Quelques tables sont occupées. La tranquillité de cette vallée fermée de tous côtés semble imperturbable.

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2. De Prousos à Karpenisi

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Ce qui rend cette route dangereuse est une combinaison de trois choses : la descente, l’absence de protection, l’état du bitume. Comme la plupart des routes creusées à flanc de roche, celle-ci n’est qu’un répit plat entre deux chutes verticales. Les cailloux, nombreux des deux côtés de la route et parfois au milieu, grignotent du terrain sur l’étroite bande de civilisation. La protection est quasi inexistante. Les courbes alternent accélération rapide en sortie et freinage appuyé pour les épingles. Les changements d’élévation sont irréguliers, et ça c’est fun. Occasionnellement, un plot signale un affaissement comme un assaisonnement sur un plat déjà bien relevé. En face du vide, ou de mon côté lorsque ma vision s’ouvre en sortie de virage sur les pentes en avant de la route, je distingue de nombreuses crevasses creusées par des coulées d’eau, de boue ou de pierres. La plupart des montagnes en sont nervurées sur leurs flancs les plus abrupts. En passant certaines de ces traces de coulées, il me semble traverser une carrière, ou que la route est un chantier non terminé. Qu'importe, je m’installe dans un rythme attentif, prudent, sans oublier de m’amuser, et finalement cette route n’est pas plus dangereuse que celles que j’ai parcourues jusqu’à présent dans ce voyage (quelle suffisance).

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Au plus bas, la route traverse la rivière Rema Krikielotis, ou ce qu’il en reste, qui à son tour traverse un véritable canyon dont on n’aperçoit, du pont Dipomata, que la grandiose porte. Une piste longe la gorge qui se cache derrière, mais ce n’est pas au programme. Au lieu de cela, je continue sur la route, moins haute mais tout aussi rudimentaire et mal entretenue qu’au début. De quoi vraiment donner l’impression, à l’opposé des (trop) belles routes de montagne bien aménagées (avec une putain de buvette au sommet), de tracer dans un paysage un peu sauvage, peu fréquenté, voire hostile. L’hostilité, on la sent davantage lorsque les pentes se dressent en falaises et commencent à serrer la route des deux côtés. La roche me toise d’au-dessus du bitume. On se rapproche, horizontalement et verticalement, du cours d’eau, à mesure que le canyon s’amincit, jusqu’à boucher la vue sur la gauche, la droite, et au-dessus, puis à écraser la route sur une seule voie de circulation, dans un crescendo digne d’une mise en scène. Passé ce point, la vallée s’ouvre de nouveau, et la route déleste un peu de son dramatique et devient plus fluide et joueuse. Comme sortant de la gueule de l’enfer, poignée en coin j’avale les courbes à bon rythme en suivant le cours d’eau, sous les arbres bruns, jusqu’à la ville de Karpenisi, étalée au milieu des montagnes, au pied du mont Tymfristos.

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Karpenisi au pied du mont Tymfristos

À Karpenisi, je fais le plein et ne m’arrête que pour programmer la suite du trajet. Je n’ai guère faim et suis dans un excellent flow, j’ai juste envie de continuer ma valse avec la gravité. Quoiqu’avec le rythme que j’imprime à la petite Transalp, c’est plutôt du tango. Je choisis une route que j’avais vaguement repérée, et programme donc Arta comme prochaine étape, avant de retrouver la côte ouest.

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3. De Karpenisi à Arta

Immédiatement au sortir de Karpenisi, je replonge dans la route de montagne. Celle-ci est moins torturée, plus large et fluide, donc rapide, et je prends mon pied à enchaîner les courbes à rythme soutenu (toutes proportions gardées) en jetant des coups d'œil aux forêts denses étalées en contrebas. De temps à autre, quelques lacets viennent changer le tempo. La roche rouge, le vert sombre et les poteaux électriques en bois m’évoquent de nouveau les routes américaines. La mélodie file au gré de la descente qui me déroule jusqu’à la rivière Megdovas, quasi asséchée, et son antique pont de fer rouillé. Pour quelques kilomètres, la route est plate et la perspective fuyante : toujours alerte bien sûr, je me lance poignée en coin. On reprend de l’altitude en direction de Kerasochori, à mi-chemin du lit asséché de la rivière Agraliotis qui alimente, avec trois autres rivières, le lac artificiel de Kremastá. Nouvelle descente, nouveau pont : un obstacle en moins jusqu’à la côte.

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Tandis que je monte de nouveau, en direction du lac, la vue se dégage un peu. Je sors de la forêt : buissons d’un côté, roche creusée de l’autre. Des monticules de gravillons aux pentes lisses côtoient le bitume, comme si l’aménagement de la route était récent. Par intermittence j’aperçois le lac dont je n’avais pas, en préparant le voyage, réellement noté la présence. Pourtant, il est grand ! La descente vers le pont Tatarna ouvre le panorama. Un barrage de police bloque le pont et je me demande si c’est à cause de mes accélérations répétées ; puis je modère mes prétentions. Il y a aussi des véhicules privés et de secouristes, a priori cela ne me concerne pas… J’accélère mollement en m’éloignant, reprenant de la hauteur sur le bord du lac. Dernière petite montée puis descente sur Neo Chalkiopoulo, en frottant le mont Atafigio.

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Le décor se confirme de plus en plus rocheux, offrant de belles grandes courbes ouvertes et respirantes qui me sont un plaisir après deux heures de forêts. Que j’aime, bien entendu, mais j’ai une préférence pour le paysage rocheux, qui me semble plus altier, plus minéral, plus brut et fondamental. Plus aérien, en quelque sorte. Réduite à une large bande sans marquages centraux, la route prend cet aspect informel où les règles semblent (je dis bien semblent) s’estomper un peu au profit du jugement personnel. En dehors des routes très balisées, grands axes et zones urbaines essentiellement, je rumine le sentiment d’être davantage laissé à ma responsabilité, au devoir d’exercer mon jugement pour progresser sur le mince filin entre plaisir et sécurité. Dans un monde occidental où la sur-régulation tient illusoirement lieu de responsabilisation des gens (alors que contraindre, c’est infantiliser), je suis naturellement attiré par ces espaces où l’on peut encore faire un choix de conduite — bon ou mauvais, ce qui importe est d’avoir le choix, sans lequel il n’y a pas de décision, donc pas de responsabilisation. À mes yeux, obéir docilement et absentément aux règles est aussi bête que les enfreindre par pur esprit de “rébellion” : enfreindre les règles à bon escient, c’est exercer sa capacité de décision. Et c’est dans la formation de cette capacité que l’Etat échoue de plus en plus, par projet ou par négligence.

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Typiquement, ce genre de route que j’ai pas mal croisé en Grèce exerce la pondération constante des risques car il faut s’y attendre à tout. Cela en devient un défi, un jeu, qui permet de se faire plaisir sans nécessairement aller très vite (c’est à peine si j’arrive à atteindre 100 km/h une fois ou deux et pendant quelques secondes). La question n’est pas de systématiquement dépasser la limite ou de taper des chronos, mais de négocier le tracé avec sûreté et élégance — et si à l’occasion on enfreint une règle le temps d’un virage, sans pour autant se mettre particulièrement en danger, eh bien ce n’est pas grave. Comme ailleurs, l’exercice d’un peu de liberté n’implique pas de renoncer à tout bon sens et à toute modération. C’est au contraire, à mon sens, dans une application raisonnable de ses capacités que l’on fait preuve de maturité dans la négociation intelligente entre soi et son environnement. … Sinon, je peux simplement dire que je ne fais que m’adapter à la conduite locale ! :mrgreen:

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Le mont Katafigio

Je traverse des remblais nus qui laissent parfois apparaître des sortes de mille-feuilles rocheux, avant que les arbres m’encadrent de nouveau. Le mont Katafigio se dresse, abrupt, gris, sec et coiffé de falaises qui percent de ses flancs lisses et parsemés. Sorti des derniers lacets, je désarçonne à Neo Chalkiopoulo après trois ou quatre heures de route extrêmement divertissante. Je prends le temps de m’étirer et d’avaler une barre de céréales, en gardant un œil sur l’horaire. Il est plus de 13 heures, et je ne suis pas encore arrivé à Igoumenitsa. Je suis censé être à quai à 22 heures au plus tard, ce qui me laisse quand même le temps de rouler tranquille toute l’après-midi, et (crois-je naïvement) de piquer une sieste avant l’embarquement.

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Vue sur le Golfe d'Ambracie, au sud d'Arta


Après avoir traversé la campagne grecque au pied du massif, je descends les derniers reliefs en direction d’Arta. Toujours plus de ces remblais adossés à la route, et cette curieuse roche en couches. Petit à petit, je descends mollement les collines, accueilli non par un tapis rouge mais par une haie brune et orangée, jusqu’à la plate Kolomotion, puis la ligne droite jusqu’à Arta. À l’affût d’une boulangerie, je navigue les rues sans même y penser puis trouve à me garer sur un large trottoir, devant une boulangerie dont j’occupe immédiatement la terrasse. 14h30, l’heure du déjeuner — sans retenue, panini, gâteau, double café… et prélassement. J’ai encore du temps devant moi, finalement. Je choisis de faire un crochet par Parga, qui a l’air d’être une jolie petite ville côtière.

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La suite... bientôt :mrgreen:



*https://dangerousroads.org/europe/greec ... -road.html

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Jour 16 | Igoumenitsa - Brindisi

Message par Qohen »

Partie 2

4. Parga

La route est maintenant plus directe, la circulation forcément plus présente. Les lignes droites sont interrompues par la côte que je longe d’un peu loin, mais parfois je vois la mer et le ciel m’accorde gracieusement quelques rayons de soleil. La route est rapide et agréable, même si je commence à sentir le temps passé sur la selle. Parga m’accueille par ses maisons colorées, et ses touristes — immédiatement je me méfie (souvenir de Dubrovnik…). D’après la carte, en plus, c’est tout en pente et serré, tout ce que je n’aime pas. Mais bon, poursuivons : apparemment c’est assez étalé et le cœur de la ville est bien plus bas. Je me faufile donc, mettant à profit mes récentes compétences de négociation de chicane pédestre, debout sur la meule pour une meilleure visibilité, jouant des appuis. J’arrive sur une rue jonchée de voitures, apparemment je sors de la ville ? Je continue, je prends la première route qui semble revenir dans la ville — apparemment un sens unique ? Bah, allons voir. Rue étroite, double sens, en pente, maisons d’un côté, mer de l’autre. Pas de manoeuvre, svp. Je me laisse descendre et trouve un petit emplacement devant quelques scooters ; je me gare ; je manœuvre à la main pour gêner le moins possible le passage ; je pose le casque et souffle un coup. C’est parti pour la visite !

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Parga est une petite localité colorée tournée vers la mer Ionienne. Sa baie est divisée par une forteresse vénitienne du XVIe siècle ; côté ouest, la grande plage circulaire et millimétrée par les réservoirs à touristes, côté est, le front de mer cascadé de maisons jaunes, roses, rouges, et la toute petite île de Panagia. Je suis arrivé par l’ouest, en fait, en descendant la rue qui surplombe la pente à pic qui s’adosse à la réserve balnéaire ; rue alignée de maisons faisant face à la mer. Inutile de préciser que c’est en direction du front de mer que je marche, au fil de petites rues empreintes d’un joyeux chaos foisonnant de pavés, murets, couleurs, plantes, odeurs dans un décor sans cesse changeant. Je trouve mon chemin jusqu’à la forteresse, dont l’accès est libre et les murs bien conservés. Le crapahutage (“à vos risques et périls”) en son enceinte me fait maudire ce jean étouffant dans l’air un peu lourd de l’après-midi couverte.

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Peu à peu je descends les niveaux, croisant de nombreuses boutiques artisanales (en tous cas prétendues telles), jusqu’au port et sa large promenade pavée flanquée de bars, cafés et restaurants d’un bout à l’autre. L’ambiance est vivante mais pas étouffante. De tous les estaminets présents, la majorité sont fermés à cette heure, en attendant le dîner. Je déambule plaisamment entre la mer et l’île qui exhalent un vague fantasme médiéval. Je ne serais pas surpris d'apercevoir des envahisseurs surgissant avec leurs galions. Au bout de la promenade, la forteresse domine et veille, inébranlable et austère. Derrière moi, les étages dégradés de couleurs chaudes comme d’antiques habitations de terre cuite revisitées, dont je réinterpète la vision en imaginant, à la nuit tombée, des feux brillant çà et là, repères chaleureux contre les inconnues de la nuit des dieux. L’amusant classicisme bariolé des maisons confère une ambiance festive, presqu’enfantine, teintée d’une sorte de douceur païenne. À mesure que je m’éloigne vers l’extrémité de la promenade, la fréquentation chute, et je fais un jeu de trouver le café le plus isolé qui ne soit pas fermé pour l’après-midi, afin d’expérimenter la mousse locale dans son cadre naturel — mousse servie pour un prix raisonnable, avec bol de chips !

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Au gré de mes errances mentales, je profite du cadre réussi de cette petite perle côtière aux faux airs d’Italie (sans l’arrogance ni les prix), mon dernier arrêt en Grèce. Prêt à quitter ce pays si varié sur tous les aspects, je remonte pas à pas les ruelles raidissimes, admiratif de ma capacité à ne sélectionner que des endroits verticaux à visiter. Une petite manœuvre plus tard, me voilà remontant la rue à flanc, et reparti en direction d’Igoumenitsa.

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5. Igoumenitsa et ferry

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Tandis que le départ approche, je roule sans un mot. La route nationale est fluide, la circulation se raréfie. Le ciel s’alourdit. Il ne reste plus que quelques derniers reliefs à traverser, que la voie rapide facilite en serpentant en hauteur entre les crêtes. Les lampadaires annoncent un changement de ton plus industriel, et la route déserte m’enveloppe d’une curieuse et étrangement réconfortante solitude. Je pense aux récits décrivant la paperasse des transits, l’attente aux frontières, l’errance parfois en anticipation d’un horaire, d’une réponse, et l’agglomération presqu’instinctive des âmes voyageuses éparpillées autour des terminaux anonymes. L’atmosphère du transit, ni tout à fait là, ni tout à fait encore ailleurs, flottant dans un entre-deux où le temps semble perdre son sens. C’est généralement inconfortable, souvent long, assurément un temps mort dans le tempo du voyage, mais j’y goûte une sorte de familiarité, de confort presque ; de fait, je me trouve naviguer insouciamment cet univers qui m’aurait absolument donné, en y pensant depuis chez moi, matière à angoisser. S’il y a une chose qui a changé depuis mon départ, c’est la tranquillité à l’égard de ce qui se présentera plus tard sur la route.

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J’approche du port sous la grisaille. Une large structure métallique chapeaute une dizaine de voies, percées de grilles et de glissières et bouchées par des camions. Les éclairages bruts et nombreux dramatisent la scène. J’étais le roi sur mes petites routes de montagne, me voilà redevenu une petite moto dans un monde de brutes. J’arrive au contrôle — Ticket pleaseIt’s on my phone?I don’t accept! Go and get paper!Where?Turn left, go to big blue terminal on the first left! Je fais demi-tour, pestant déjà que rien n’indiquait qu’il fallait imprimer le ticket, évitant soigneusement d’admettre que je n’ai pas lu les consignes lors de la réservation, en toute bonne mauvaise foi. Je remonte, tourne, et cherche des yeux un indice au fil de ces voies de triage incompréhensibles. Je vois une enseigne Grimaldi Lines, et m’enquiers aussitôt de ce ticket ; la gentille hôtesse m’indique l’énorme bâtiment épaulé d’un maillage métallique bleu : le terminal 1. Ah, évidemment, le plus gros bâtiment. Je trouve l’accès et me gare à la suite des autres motos, devant le perron. Je me rends au comptoir de Grimaldi et attends tranquillement de pouvoir faire imprimer mon billet.

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Your reservation was for today, 1 AM” (“était” ?) “Yes, tonight, 1 AM” “No — today, this morning” … Je prends une seconde pour traiter l’information. Alors attends — oh putain le con. Pensant réserver pour la nuit du mardi à 1h du matin, j’avais réservé pour la nuit du lundi à 1h, donc effectivement mardi matin, et non mardi +1h. Je me claque le front dans la main en un geste d’exaspération incrédule. Eh bien heureusement que j’avais réservé le moins cher et non une cabine à 340€. Là, je deviens un peu nerveux et demande s’il y a de la place ce soir — enfin, demain matin quoi. Non pas que rester dans le coin une journée de plus soit un problème, vraiment, mais ça casserait un peu le flot. L’hôtesse, bien gentille, cherche à droite et à gauche, et me dégote une place au même prix (89€) pour cette nuit. Je me confonds en remerciements et sors du terminal à la fois soulagé et dépité ; plus soulagé que dépité. Je range mes papiers ; il n’est pas encore 19 heures. L’embarquement commence (en théorie) à 22 heures. J’avale une barre de céréales et m’assieds sur les marches du perron, non loin de trois motards allemands en panoplie Dakar complète et en grande discussion avec un local. Pour passer le temps, j’observe la zone portuaire-industrielle, anarchiquement organisée en rangées successives : port, autorités, voies de triage, agences de voyage et hôtels vieillissants. Dans trois heures, une nouvelle aventure.

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Une petite pluie commence à tomber. Pour bouger un peu et être en avance (j’aime être en avance), je m’équipe et me dirige vers le port. Je passe cette fois-ci sans difficulté, puis entre sur l’immense quai vierge de toute signalétique. Je tourne en rond, cherche un indice, demande une ou deux fois mon chemin avant de trouver le point de rassemblement pour le ferry direction Brindisi. Il n’y a pour le moment que quelques véhicules ; je me gare devant, retire mon casque, et attends. Il fait gris, un peu frais, il pluviote ; en face, la mer morose ; autour, les gens qui déambulent, et les camions qui manoeuvrent. J’essaie de faire des micro-siestes pour ne pas être trop rincé demain. La nuit tombe lentement.

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C'est long

J’ouvre les yeux. Le quai s’anime très doucement. La pluie devient plus régulière, et je peste. Il fait nuit. Je range mes affaires puis enfile mon casque en guise de capuche. Une minute plus tard, un jeune homme s’approche et me fait signe ; il m’invite à me mettre à l’abri dans son van. J’accepte aussitôt. C’est le petit van militaire aménagé Volkswagen garé juste derrière moi. J’entre et sa copine me désigne une petite caisse pour m’asseoir, tandis que le bonhomme s'assoit sur le lit. Ani et Jorge sont Suisse-Allemands, la petite vingtaine, et parlent très bien français ; ils sont au milieu de leur périple de trois mois* mi-préparé mi-improvisé, qui est passé par l’Islande et les Balkans, et se poursuivra par l’Espagne, le temps de traverser la botte et d’attraper un ferry pour Barcelone, puis peut-être le Maroc. Nous parlons voyages, moyens de transport, Jorge me montre les aménagements fait au petit fourgon, nous échangeons des anecdotes des pays traversés. Le courant passe bien et c’est un vrai plaisir de converser avec eux pour passer le temps. Jorge, interpellé par un type en camping-car qui veut discuter mécanique et bricolage, s’éloigne pendant une heure, puis je parle politique et fin du monde avec Ani, et nous trouvons le moyen d’en rire. Vers 22 heures, le ferry — énorme — arrive et nous sortons, la pluie ayant cessé, pour observer les manœuvres.

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Le fourgon d'Ani et de Jorge

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Imagine faire un créneau avec ce monstre

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Nous ne sommes pas les seuls ; le quai, désormais plein (sur la gauche, un autre rassemblement pour un autre ferry), s’est silencieusement rempli dans notre dos. À droite, des dizaines de camions sagement alignés. Pas mal de gens à pied sur le quai, en spectateurs. Le bâtiment pivote, ses feux puissants inondant le béton. La rampe s’abaisse avec une lenteur dramatique, ponctuée de personnel en gilet de sécurité. Et puis c’est un déversoir continu de voitures et poids lourds, qui dure et dure pendant plus de trois heures. Nous observons la parade. À un moment, Jorge et moi nous demandons d’où il peut encore sortir des poids lourds : cela n’en finit pas ! En fait, il y a des rampes à l’intérieur, et le bac compte trois étages. Minuit. La parade continue. Deux motards italiens, garés à proximité de moi, commencent aussi à s’ennuyer. L’un d’eux vient examiner et s’enquérir de ma Transalp. Une bien bonne bécane, "peut-être la meilleure pour faire le tour du monde". Tss, flatteur. En tous cas, rouler en 1200 Multistrada ("c'est lourd et c'est cher, mais ça pousse") ne l’empêche pas de se tourner vers la petite Honda :mrgreen: . Son pote est en Varadero 1000. Nous embrayons sur les voyages ; ils reviennent d’un petit tour et sont admiratifs de mes 7000 bornes en 15 jours, en solo. Oh, vous savez, c’est plus facile qu’il n’y paraît. 1 heure du matin. L’attente se prolonge.

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Ça n'en finit pas

Le départ était prévu à 1 heure. C’est pas gagné… Depuis plus d’une heure, l’embarquement a commencé, pendant que le débarquement continue. Poids lourd après poids lourd, puis les voitures. On se regarde entre motards : pourquoi ne nous laisse-t-on pas monter ? On est minuscule et rapide, après tout, pourquoi nous faire attendre ? On prend notre mal en patience. Ani et Jorge sont signalés ; je les salue et ils s’avancent vers la rampe. 1h40 du matin, enfin on nous fait signe d’avancer. Nous montons à l’étage et allons nous garer au fond, dans un coin, juste avant que la surface restante ne soit investie par les derniers véhicules, comme en atteste le tracteur qui manœuvre à 50 cm du mec qui sangle nos montures. Les deux Italiens, un mec en MT09 ou dans le genre, les Allemands en Africa Twin et moi-même. Cela étant fait, reste à comprendre comment passer la nuit.

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Je n’ai ni cabine ni place en business, donc c’est placement libre, je suppose ? En feuilletant les ponts depuis l’escalier, je vois que pas mal de gens sont déjà endormis sur les banquettes dans les couloirs. J’oublie immédiatement la possibilité de chercher ou tomber sur mes Suisse-Allemands et me saisis de la première banquette libre. J’installe mes affaires et tente de m’assoupir assis… Peine perdue. Il y a du passage, des gens bruyants au loin, donc je me contente de reposer mes yeux. Une petite heure plus tard, le silence tombe enfin dans les couloirs et je cède : je retire mes bottes, cale mes affaires et m’allonge sur la banquette, à la mode locale. When in Rome… Vers les 3 heures je m’endors dans le couloir moquetté, espérant que les ronflements qui se sont enfin tus ne recommencent pas.

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Je passe malgré tout une nuit (sieste) récupératrice jusqu’à environ 7h. Incapable de me rendormir une fois réveillé, je rassemble mes affaires et me lève. Le jour s’apprêtant à se lever, je monte sur le pont prendre l’air. Le pont est, sans surprise, vide. Le soleil sera bientôt visible. J’explore un peu jusqu’à trouver le bon point de vue, mais nulle part où s’asseoir. L’air marin est revigorant et familier, comme on retrouve un vieil ami après de longues années. Immense le ciel tout autour, dégradé en d’innombrables dessins gris pâle, contourés de rose, d’or et d’orange, estompés sur le fond bleu pâle. Les rayons dardent lentement, crevant les nuages de couleurs brillantes et chaudes, loin à l’horizon, derrière les échappements du ferry. Silencieux et patients, les poids lourds assemblés comme des Lego sur le bac, dans l’ombre bleue. On est encore à 3 heures de la côte, et je n’aperçois qu’un autre bateau loin à bâbord. L’immense étendue d’eau, plus noire que bleue à mes yeux, placide, luit de nervures et de détails, de résonances et de bulles. Je pense à l’insurmontable complexité moléculaire que cache cette masse molle et lascive. Je pourrais être n’importe où, à cet instant. Sur la mer Noire, sur la mer Rouge, la mer de Chine, l’océan… Au fond du monde, là où le soleil surgit entre les flots et les nuages, l’horizon flou cache toutes les promesses de l’ailleurs, d’un inconnu qui n’appelle que la découverte.

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Mes rêveries s’effilochent tandis que je déambule vers le bastingage à l’avant du pont. Le vent souffle plus fort, ici. Je ne m’intéresse guère à la mer ou à la navigation, et bizarrement quand je pars, je cherche instinctivement à rejoindre la mer — pas la plage, mais la mer de Saint-John Perse, la mer du poète. Quelques passagers vont et viennent au fil des heures. Quand enfin on approche de l’Italie, je descends au restaurant, mais face au monde pressé au petit-déjeuner, je laisse tomber et remonte au calme. Il est enfin temps de retourner aux véhicules. J’espère croiser Ani et Jorge — à force de parcourir les ponts pour retrouver le bon accès au bac, je les aperçois, mais pris dans le flot des passagers et nous dirigeant à l’opposé, c’est à peine si nous pouvons échanger quelques mots. Je retrouve la pépette sagement sanglée et les autres motards ; nous désanglons et attendons — encore —. L’air est puant de gaz d’échappement, certains routiers faisant tourner les moteurs bien avant de pouvoir sortir. Je suppose qu’une partie des voitures est débarquée avant nous, mais assez rapidement on nous fait signe, puis c’est la descente jusqu’à l’air libre, et la fin des délais interminables. J’espérais apercevoir le fourgon VW, mais le quai est vide. Sont-ils déjà partis, ou encore derrière ? Tant pis, lassé d’attendre, j’allume le GPS, salue les deux Italiens et entame immédiatement la route, destination café-croissant.

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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par ZeDab »

C'est toujours aussi Chôli et bien écrit....

Quel style ! Lorsque tu écris « même si je commence à sentir le temps passé sur la selle », nous sommes nombreux ici qui aurions écrit : « même si je commence avoir mal au cul » :lol:

Le prix Transalpage est vraiment mérité !

Merci encore !

Souvenir de Ferry : dans les années 1975-80, on a fait la traversée Brindisi-Igoumenitsa-Patras de nuit avec mes parents.
À Brindisi, l'après-midi, des types vendaient des billets sous les arcades du vieux port médiéval, avec une table à tréteaux, des chaises et une banderole "professionnelle" , à 30 m des carabinieri. Le soir, au départ, les gens qui en avaient achetés se sont vu répondre qu'ils étaient faux :sniff
Toute la nuit, entre Brindisi et Igoumenitsa, la porte avant du ferry est restée ouverte, chargée de voitures...
À l'arrivée, l'un des matelots a sorti la vieille BM d'un Allemand pour dégager des véhicules qui arrivaient à leur terminus. Il a tenté de la béquiller sur le quai et... plouf, La moto et les bagages dans le port. C'est là que ZeDab appris le plus de gros mots allemands...
Autre temps, autres mœurs ?
>>>> Téléchargez TransalpageMag n°1 ici <<<<
ZeDab est ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d'Alsace-Vosgistan, sa moto est protégée par l'immunité diplomatique.
(merci, Disderi !)

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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par varaboliot »

ZeDab a écrit :
02 nov. 2022, 20:25
C'est toujours aussi Chôli et bien écrit....

Quel style ! Lorsque tu écris « même si je commence à sentir le temps passé sur la selle », nous sommes nombreux ici qui aurions écrit : « même si je commence avoir mal au cul » :lol:



Le prix Transalpage est vraiment mérité !


Je rajoute:

Le prix varaboliot :premier :vieux

Cela te fera une belle jambe, et te donnera le privilège de m'appeler Vara. :lol: :gloup

Grand merci :respect
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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par franck62200 »

Superbe road trip et superbe CR
Et le transalp dans tout ca?
Aucunes galères avec?
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Re: [CR] Trois semaines vers l'Adriatique et la Grèce en Transalp 700

Message par Qohen »

varaboliot a écrit :
02 nov. 2022, 22:20
Grand merci :respect
Tout le plaisir est pour moi, Vara :mrgreen:
ZeDab a écrit :
02 nov. 2022, 20:25
Souvenir de Ferry : dans les années 1975-80, on a fait la traversée Brindisi-Igoumenitsa-Patras de nuit avec mes parents.
À Brindisi, l'après-midi, des types vendaient des billets sous les arcades du vieux port médiéval, avec une table à tréteaux, des chaises et une banderole "professionnelle" , à 30 m des carabinieri. Le soir, au départ, les gens qui en avaient achetés se sont vu répondre qu'ils étaient faux :sniff
Toute la nuit, entre Brindisi et Igoumenitsa, la porte avant du ferry est restée ouverte, chargée de voitures...
À l'arrivée, l'un des matelots a sorti la vieille BM d'un Allemand pour dégager des véhicules qui arrivaient à leur terminus. Il a tenté de la béquiller sur le quai et... plouf, La moto et les bagages dans le port. C'est là que ZeDab appris le plus de gros mots allemands...
Autre temps, autres mœurs ?
La vache :stress C'était rock'n'roll, comme on dit dans ces circonstances :[
franck62200 a écrit :
05 nov. 2022, 22:15
Superbe road trip et superbe CR
Et le transalp dans tout ca?
Aucunes galères avec?
Merci ! Un bonheur cette moto, zéro souci, zéro réglage/entretien en cours de route, aucune fatigue ; piste, virolos, autoroute, aucune réticence. J'ai roulé l'esprit libre, et même quand j'ai cru arriver en fond de réservoir elle économisait plus que je ne pensais.

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